/// CHRONIQUES
Date d'ajout : 09-10-16

Yann Tiersen – « EUSA »

Véritable bout du bout, l’île d’Ouessant fait partie de ces merveilles que seule la Bretagne est capable de nous donner. C’est pour rendre hommage à cette île qu’il habite depuis quelques années, que Yann Tiersen nous présente « EUSA » (nom breton de l’île). Choisissant 10 lieux de l’île, Tiersen construit un album rare et précieux à l’univers toujours aussi puissant.

Enregistré en partie au studio Abbey Road et sur l’île, le Français déploie un album concept égrenant musicalement la teneur de chaque lieu qu’il souhaite nous faire découvrir. Enchaînant les « Hent » comme autant de balises sur la route de sa maison, l’artiste nous introduit chaque morceau avec un sens inné de l’harmonie déployant avec une singularité rare et éclatante une musique fine et délicate.

Alternant ambiance et musique, Tiersen réussit un album charnière qui le voit quitter progressivement le monde de l’illustration sonore pour laquelle il a énormément œuvré dans ses opus précédent, et reprendre la route de la ritournelle harmonique qu’on lui a connu à ses débuts. On (re)découvre un Tiersen à l’approche sobre et brûlante. Dans un océan de calme, le multi-instrumentiste pose ses notes avec aplomb et sérénités nous dessinant un paysage vertigineux, aux déliés forts.

Que cela soit sur « Pern » ou « Porz Goret », on retrouve le Tiersen au piano nous inondant de ces ritournelles qui jamais ne s’arrêtent, qui semblent suspendre le temps de leurs mélopées gracieuses au dynamisme toujours fort. Empreint d’un mélancolisme qu’on lui a toujours connu, Yann Tiersen fait du Yann Tiersen avec brillance et ce trait de génie qui ne semble jamais le lâcher. On est une fois de plus aspiré par cette poésie douce et subtile qui au détour d’une note ou d’un accord semble nous bercer de ce grain voluptueux et sensible. Les notes se suivent et l’on se prend à visualiser ces paysages découpés de Bretagne, ces côtes déchirées, ces vents plein d’écume.

La musique chez Tiersen est une seconde nature, elle exprime les émotions, la mélancolie d’une Bretagne oubliée, la peur de voir ce monde s’effondrer, l’espérance d’une vie rêvée. Il y a chez le Breton ce mélange d’enfance et d’adulte superbement équilibré qui nous touche à chaque instant. Tel un maître du temps, Yann Tiersen distille par petites touche sa solitude, ses émotions avec une puissance rare. Tout est dans la nuance, dans ces pauses, dans ces ralentissements où ces emballements. Tiersen nous raconte la vie, celle qui peut à tout moment se sublimer au détour d’une image, d’une attitude mais aussi celle qui peut basculer.

Une fois de plus, Tiersen fait danser les sentiments sur son piano. Effleurant avec sensibilité son instrument il dessine une musique unique à la sobriété enfantine et robuste qui ne souffre d’aucune mode. Car chez le Breton seule l’atmosphère compte, les notes éparses s’envolent pour mieux nous faire voyager dans un univers cristallin et simple. « EUSA » parvient à synthétiser une certaine idée de la vie, du temps qui passe comme un pied de nez à nos existences pressées.

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com

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