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Date d'ajout : 16-03-15

Queen, « A Night at the Opera », 40ème anniversaire : et Freddie s’installa au piano…

Onze mars 1975. Il y a quarante ans jour pour jour. Studio d’enregistrement Olympic, Londres. Le groupe Queen est en plein séance de travail de ce qui va devenir son quatrième album, « A Night At The Opera », et masterpiece suprême.

Queen, « A Night at the Opera », 40ème anniversaire : et Freddie s’installa au piano…La pression est élevée car, auréolés pourtant du succès de l’opus précédent, « Sheer Heart Attack », au tube planétaire « Killer Queen », les musiciens sont simplement… ruinés. Ils ont du dépenser une fortune pour racheter leur contrat au management précédent. Ils sont à nouveau libres, mais n’ont pas le droit à l’erreur.

Ils se doivent de sortir le meilleur de leur musique. Et triompher. Ou disparaître, comme tant de groupes éphémères, victimes de luttes d’égo avant même d’exister vraiment. La tension est palpable pendant les sessions qui se déroulent dans quatre studios différents. La production leur donne le maximum de moyens mais la barre est haute.

Brian May, le guitariste, sur le titre « Good Company », passe des jours entiers seul dans son coin, à enregistrer des rerecordings afin d’imiter avec son instruments les cuivres d’un orchestre de jazz Dixieland. Les autres le moquent vu la lenteur de sa progression. Sa mélancolie naturelle est de retour. Note par note, tout reproduire. Travail de fourmi qui sodomise une mouche.

Roger Taylor, le batteur, fait écouter à Brian sa seule contribution à l’album, le titre « I’m In Love With My Car », qui parle de bagnoles et de filles : « J’ai rompu avec ma copine / j’ai préféré m’acheter un nouveau carburateur. » Sa réaction est déprimante : « Rog, tu plaisantes, tu me fais marcher ? ». Encourageant.

Ambiance.

Même Freddie, d’ordinaire le diplomate du combo, passe ses nerfs sur la conception de « Death On Two Legs », attaque au napalm phosphoré contre le manager précédent, qui démoralise le service juridique de EMI car il ne voit pas comment éviter un coûteux procès si le titre sort en l’état. De catastrophe.

Car la chanson, cette déferlante de virilité exprimée, est un appel au meurtre. Une seule nuance de noir, tenace et poisseuse. L’intro en crescendo de piano gravite lentement les sommets sonores, avant d’être rattrapé par des effets larsen stridents et sur aigus proposés au maximum de ce que l’oreille humaine peut supporter.

Pas celle du chien, habitué à pire. Après un quart de seconde de pause succédant à cette déferlante, l’ostinato est exécuté par un Freddie au piano qui ne culpabilise pas plus cela, au moment d’occire sa victime, puis repris à la six cordes, ces dernières, pour l’occasion, servant à égorger le cochon qui leur a servi de manager véreux.

La suite de la chanson est dans la même veine sanguinaire et caractérielle,quoique l’on sent poindre une préoccupation humaniste surprenante : que faire du cadavre ?

Le débiter illico façon jambon d’York ? L’assouvir dans l’acide ? L’empaler sur le lampadaire tubulaire qui te nargue à l’entrée de la Rue des Martyrs ?

Du trépas au repos, il n’y a qu’un pas, mais ici c’est Gargantua qui marche. Bref, tout ce petit monde est bien nerveux.

Onze mars 1975, donc. Roger travaille sur la rythmique de sa chanson, bien décidé à prouver qu’elle est vraiment à prendre au sérieux, quand Freddie arrive dans le studio et s’installe au piano. Le batteur racontera la suite à l’auteur de ces lignes :

« Fred commence l’intro de la partie chantée de « Bohemian Rhapsody » avec le désormais célèbre Mama, justkilled a man, et là, j’ai trouvé cette mélodie absolument splendide. Moi, qui étais porté vers le Rock lourd et puissant, je fus le premier surpris de ma réaction. J’ai senti également que nous tenions une chanson au succès prévisible ! »

Il le suit immédiatement à la batterie, marquant le groove suggéré par le chanteur : « Mercury avait un jeu de piano très cadencé, il avait un métronome naturel qui vibrait au rythme de sa mélodie », poursuit Roger.

Les autres membres arrivent alors en félicitant le pianiste pour cette pépite. La tension retombera ensuite, la danse autour de ce man killed redonnera cohésion et légèreté au groupe. Brian réussira enfin son pari de reproduire avec sa guitare note par note les cuivres de l’orchestre Jazzy : trombone, tuba, trompette, clarinette et même les cloches seront sonnées à temps.

Ecoutez le final ahurissant de « Good Company » à partir de 2’40.

Les mouches en tremblent encore.

Arnaud Berreby – arnaud.berreby@orange.fr


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