Tété – « Nu Là-Bas »
Certains titres méritent d’être écoutés, réécoutés pour pouvoir émettre un avis, s’imprégner. Pour « Nu Là-Bas», le nouvel album Tété, il a suffi de 40 secondes montre en main pour savoir qu’on avait à faire à un album réussi.
Dès les premières mesures du titre « Nu Là-Bas », la sauce prend immédiatement. Le flow inimitable de Tété nous tire dans une chanson pop à l’anglaise ciselée comme jamais, et efficace instantanément. Dans la plus pure tradition de la british pop, les arrangements de cordes et les guitares portent une mélodie juste imparable. Nouveauté chez Tété, les guitares électriques sont très présentes, et ça tourne! On pense au « Mr. Blue sky » de Electric Light Orchestra ou à Roger Glover, avec bien sûr Liverpool en ligne de mire, mais Tété garde sa patte si personnelle avec des harmonies vocales précises et des mélodies tournantes immédiatement identifiables que l’on retrouve tout le long de l’album.
On continue le voyage outre-manche avec « Ritournelle », titre pop-rock à souhait encore une fois marqué par un travail mélodique minutieux, et des arrangements vocaux de haute-volée. Sur ce nouvel album, la voix de Tété est toujours aussi belle et singulière, et semble même plus claire et percutante que par le passé, comme débarrassée de certains tics parfois usants. On le retrouve conteur comme à la belle époque du « Sacre des lemmings » sur « Marie Laveau », et « Comment te dire » met en exergue l’un des points forts de « Nu Là-Bas »: les textes. Dans cette ballade dépouillée Tété s’adresse à sa mère. Ici pas de « t’es pas le nombril du monde mais celui de ta maman » ou encore « ta mère est une fleur rare que t’abreuves de ton amour », dans la pure tradition de notre rap français : Tété signe des textes subtiles et émouvants.
Il se dévoile au fil de l’album, de son enfance bordelaise dans « A l’ancienne » à ses débuts dans les bars parisiens avec « De ce côté-ci du bonheur ». Il nous parle de sa famille, de ses souvenirs musicaux (« Dedans ma radio ») : c’est un brin nostalgique sans verser dans la mélancolie jaune sépia, c’est fait de manière simple et sincère et on suit « le guide » dans ses souvenirs avec grand plaisir.
Musicalement, on retrouve régulièrement ces clins d’oeil au passé. « La bande son de ta vie » baigne dans une ambiance disco-soul des années 70’s, avec ces violons typiques de l’époque, « A l’ancienne » porte forcément bien son nom avec un twist au charme désuet mais avec un arrangement mixant choeurs « Platters’s style » et distorsions plus modernes.
Dans « Tes cheveux », le sénégalais se transforme en James Bond des 60’s et parvient à faire swinguer un texte au thème simple : « Qu’as tu fais à tes cheveux? ». Que les partisans du fameux « la langue anglaise groove plus que le français » écoute Tété : il a décidément ce truc pour écrire des textes qui sonnent.
Tété jongle entre folk, pop à l’anglaise, musique populaire française avec une élégance qui n’appartient qu’à lui. « Nu Là-Bas » est un album souvent délicieusement rétro, mais avec toujours l’étincelle supplémentaire cachée dans un arrangement léché ou une mélodie maligne portant des textes sincères. On frôle le cliché en disant que ce nouvel album, sûrement le plus personnel, est celui de la maturité. Pourtant ce n’est pas loin d’être vrai tant cet album forme un tout ultra-cohérent et millimétré, réalisé avec une sincérité telle que tout semble couler de source avec aisance. Comme sur la pochette de l’album, Tété a décidément la grande classe.
Marty Tobin
marty.tobin@quai-baco.com
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