C’est l’histoire d’une rencontre entre une icône du rock français et un groupe atypique originaire de Perpignan. Connus pour leur rock 60’s, The Limañana’s peuplent les salles du concert du monde entier, de son côté Emmanuelle Seigner incarne un rock à l’ancienne peuplé de muses et de femmes au caractère bien trempé. Leur rencontre fut une évidence. Au départ album solo d’Emmanuelle Seigner, le trio ayant construit « Diabolique » s’est rapidement transformé en quatuor avec l’arrivée à la réalisation de Anton Newcombe . Le résultat est un album au rock garage psychédélique qui rapidement nous enivre de ses sonorités entêtantes et hypnotiques.

Dans un blues western aux guitares shadows, Marie et Lionel Limañana réussissent une fois de plus à construire une cathédrale rock autour d’une Emmanuelle Seigner à la voix envoûtante. On se noie progressivement dans cet amoncellement de couches instrumentales « Une lune étrange » qui font du son de l’Epée une expérience entre psychédélisme et blues fourmillant d’idées. Noir et graisseuse, la musique du quatuor européen dessine une puissance phénoménale qui ne cesse de nous tourner en tête avec ce sens exigeant d’un rock blues puissant.

Loin de s’embarrasser d’une quelconque forme de pop commerciale, la musique du quatuor trouve sa genèse dans une influence commune : celle de la musique des années 60. On y reconnaît notamment sur un titre comme « Lou » les envolées psychédéliques des groupes qui ont bercés l’enfance et l’adolescence des protagonistes. Sans jamais se reposer sur leurs lauriers, The Limañana’s dessinent une musique dont ils ont seuls le secret pour une Emmanuelle Seigner transformée et aidé par un Anton Newcombe plus psychédélique que jamais.

Il y a dans « Dreams » un véritable hommage à Serge Gainsbourg. Sur ce titre rappelant bigrement « Harley Davidson » , Emmanuelle en digne héritière d’une BB se coule avec malice dans ces traits qui la rende tour à tour allumeuse et bikeuse. En français dans le texte, le quatuor met un point d’honneur à retrouver cette musique 60’s qui les a tant structuré. Avec un sens unique de la composition blues, Marie et Lionel esquissent un écrin où les guitares se multiplient et ne cessent de donner le change à une rythmique plate mais ô combien entrainante et chaleureuse.

Puissante en femme fatale qui nous hante longtemps après l’écoute de l’album , Emmanuelle Seigner pousse son personnage à fond et réussit à nous entraîner dans un univers noir et puissant. On se laisse prendre au jeu de cette puissance rock aux guitares tournantes et diablement bien pensées « La brigade des maléfices » . Avec un puissance lente et minérale, le quatuor dessine une musique unique à l’univers tranchant qui donne à toute cette musique un sens impressionnant et un impact considérable. Dans ce cabinet des curiosités, on se sent comme aspirés par ces personnages hauts en couleur. Jouant à l’image de Juniore, le combo construit avec minutie une enveloppe effrayante et doucement puissante dans laquelle on plonge tête la première. 

Avec un talent rare l’Epée dessine une variété française sorte de fil continu issu d’un scopitone annee 60 où les guitares ne cesse de briller dans un tout diablement hypnotique. La noirceur nous saute au cou pour un rendu à chaque fois grésillant et entraînant. Guitares graves aux mélodies mélangeant réverbération et puissance électrique, la musique de l’épée se plait à transcender un rock dans une approche éminemment française. On y retrouve la beauté noir et l’élégance d’un Gainsbourg dans ce mélange osé entre variété française et rock psychédélique anglais. Telle une muse Emmanuelle Seigner cultive un goût immodéré pour une attitude de pétroleuse dont Lionel et Marie Limañana bâtissent l’écrin musical. Avec goût et panache la parisienne est comme un poisson dans l’eau et sautille de mélodies en mélodies apportant un peu de légèreté à cette musique en forme de mécanique bien huilée.

Arnaud Le Tillau
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