Black Country, New Road – « Ants From Up » : La Chronique

Tout deuxième album est toujours un équation complexe à résoudre surtout lorsque le premier a été un réel succès. Suite à un premier opus impressionnant d’audace et de talent, Black Country, New Road nous présente son deuxième album intitulé « Ants From Up ». Avec un soin porté à la production, les anglais nous enivre d’une musique beaucoup plus pop et folk qui touche du doigt une sorte de perfection musicale. Mélangeant les styles et les constructions, le septuor confirme son atypisme et sa capacité de création singulière au travers de 10 titres hors normes.

C’est par une « Intro » complètement barrée aux envolées très anglaises que Black Country, New Road plante le décor. Dans un déluge de bonnes idées, ils transcendent leur pop au travers d’une musique simple d’abord aux motifs se répétant sans cesse qui fonctionne plutôt très bien. Dans une véritable approche conceptuelle, les anglais posent les première pierre de ce qui s’apparente à un album culte. Pour preuve le magnifique « Chaos Space Marine ». Isaac Wood dit de ce morceau qu’ils n’ont jamais rien écrit de mieux et on veux bien le croire. Dans une pop British sur le bout des ongles, les anglais construisent avec ce titre un tube en puissance défiant toute prévisions. On est comme emballé par ce combat que mènent les artistes dans un mélange de pop éclatante et de théâtralité à outrance. Dans une musique aux éclairs flashy rappelant éminemment Bowie, Black Country, New Road bâtissent une pop art exceptionnellement bien maîtrisée qui ne cesse de se transformer à chaque accord.

Il y a toujours quelque chose de délicieusement bancal dans la musique des anglais. Pour preuve les très bons « Haldern » et « The Place Where He Inserted The Blade » qui a eux deux résument l’approche assez libre du groupe. Construit à partir d’improvisations en live, ces morceaux tiennent de la folie musicale. Dans un mélange de folk et pop, ils déconstruisent les standards avec une efficacité redoutable. Trouvant dans une matière musicale en perpétuelle mouvement, une sorte d’exutoire, le groupe dessine avec un sens de la mélodie une musique aux transformations toujours aussi pointues. Cultivant une impression de grand bazar, les anglais s’unissent pour un rendu exceptionnellement pointu et spontané.

Une véritable évolution, se fait jour sur cet album. Là où le premier opus était rude et audacieux, ce « Ants From Up » fait la part belle à une pop enlevée possédant toujours autant cette approche expérimentale qui fait le sel de leur musique. Le résultat est une sorte de fourretout pop qui fonctionne à merveille. Avec une aisance rare, le groupe n’en finit pas de nous impressionner de sa confiance dans un style qu’ils inventent. Audacieux sans être prêt à prendre tout les risques, le résultat est humain et puissant d’une chaleur que l’on ne percevait pas sur le premier album à l’image du très bon « Concorde ». Dans ce nouvel album, ils dessinent une musique beaucoup plus abordable tout en gardant leur personnalité atypique. Piquant au vif sur une suite de titres parfois théâtralisés, parfois très distants, Black Country, New Road nous entraine dans le sillage d’une groupe comme Arcade Fire.

Sur des formats très longs pour un album de rock (la moitié des titres dépassent les 6 minutes), Black Country, New Road proposent une vision entière et conceptuelle d’une musique toujours sur le fil. Travaillant une pop en clair obscur sur « Bread Song », ils creusent un sillon pas simple à proposer, sorte de mélange entre pop intimiste et envolées lyriques très galvanisantes. Le résultat est une musique à la fragilité immense. Les anglais construisent des titres mythiques aux cassures magnifiquement étudiées. Capable d’intégrer plus de 3 minutes d’introductions, le groupe réussit à imposer son timing à une musique et à un style souvent réduit à un format standard. Le résultat est une musique qui prend son temps et qui trouve lentement son chemin vers une apothéose musicale qui nous fait frissonner.

Cet album s’écoute comme la bande originale d’une oeuvre cinématographique rêvée. Avec beaucoup de sincérité, Black Country, New Road dessine une suite de titres tous plus dissemblables les uns des autres et pourtant formant un tout compact et dense. Retrouvant une sorte d’approche conceptuelle comme seule les années 60/70 ont pu en produire, les anglais se glissent dans la peau d’un groupe capable de tout faire exploser dans un concert de bonnes idées. On pense à Bowie, à Pink Floyd, au travers de cette pop à l’empreinte folle que les anglais nous envoient en pleine face. Avec un sens de la punchline musicale, Black Country, New Road construisent une sorte de mélange entre Broadway et les Beatles. Complètement foutraque, joyeux et sans limite, ce nouvel album signe la confirmation de l’avènement d’un très grand groupe.