/// CHRONIQUES
Date d'ajout : 09-02-21

Black Country, New Road – « For The First Time »

Une sortie prévu courant 2020, un groupe atypique composé de 7 musiciens, un nom de groupe mystérieux : tout souriait à « Black Country, New Road » pour une envolée dans les charts. Et patatras, covid, lockdown …., bref une année entre parenthèse. Pourtant malgré ces embûches, l’attente est toujours forte pour ce groupe ne ressemblant à aucun autre, dont les lives sont plus dantesques les uns que les autres. Ce septuor nous livre un premier EP intitulé « For the First Time » qui apparait vite comme un album qui fera date par son approche unique et diablement addictive. Pop psychédélique, frénésie rock, sobriété tout est représenté dans ce 6 titres qui n’en finissent pas de nous impressionner. 

Il y a une forme d’audace pleine et entière à démarrer son premier album sur un instrumental (intitulé logiquement « Instrumental ») posant de suite le décor de ce groupe hors du temps, hors des modes qui depuis près d’un an distille avec parcimonie une poignée de titres tous plus fous les uns que les autres. Avec  un sens de la composition et de la mise en musique rare, le septuor multiplie les bonnes idées sur ce premier titre complètement barré aux motifs psychédéliques. Transformant une approche pop en une sorte de fanfare diablement addictive, les anglais construisent un objet pop non identifié absolument entrainant. Creusant sans se poser de limites une musique aux envolées mélodiques et au background noir, Black Country, New Road défriche avec un talent hors norme une route expérimentale qui revient nous hanter longtemps après l’écoute de cette composition. Véritable acte de bravoure, ce premier titre nous en met plein la vue et les oreilles grâce à une science de la composition extrêmement poussée qui voit les anglais dominer leur art sans jamais tomber dans les codes de la pop standardisée.

Mystérieux sur « Athens, France » au titre mystique, Black Country, New Road ne propose pas une musique lisse loin de là. Isaac Wood de sa voix enfumée surfe sur ce background musical innovant pour mieux nous faire décoller. On est comme inondé de bonnes ondes par cette composition qui multiplie les parties toutes plus diverses les unes que les autres dans un tout au thème constant et cinématographique. Musique graphique par excellence, cette composition navigue à vue et nous entraine sans préliminaire dans l’univers chaotique et vivace des anglais. On est vite immergé par cette folie pop rock qui ne possède pas d’équivalent et qui nous enveloppe de son dynamisme.

Isaac Wood parle, éructe, chante et l’on ne se lasse pas de ce mélange qui colle parfaitement au côté chaotique d’un titre comme « Science Fair » qui finalement apparait superbement ficelé. Cette musique est peut-être complexe d’abord mais une fois entré, on ne peut plus en sortir et l’on découvre à chaque écoute une nouvelle précision, une nouvelle spécificité. Il y a un côté Pink Floyd dans cette propension à tirer vers le haut une matière musicale brute et complexe tout en réussissant à en faire une marque de fabrique. Multipliant les rythmiques grâce à la batterie de Charlie Wayne, le groupe propose  une musique à la fois chaotique et élastique qui ne cesse de se métamorphoser nous nos yeux. Transmettant grâce à une technique sans faille leur folie, ils entrent dans nos tête avec une facilité déconcertante.

Loin des canons commerciaux et radio, la musique de Black Country, New Road s’apprécie pleinement dans son intégralité. A une époque où tout va toujours plus vite, où chacun zappe d’un univers à l’autre, les anglais confirment par leur musique que la longueur est encore une valeur sûre qui vaut le coup d’être mise en avant. Loin des modes, ils dessinent une musique qui ne ressemble à rien d’autre, peuplé de motifs tous plus addictifs les uns que les autres. On est chargé d’émotion, à l’écoute de cette musique qui au travers de montagnes russes sonore personnifie la vie en général. Cette capacité à tout transformer en chaos ou en une beauté impressionne. Dans des morceaux frôlant parfois les 10 minutes « Sunglasses », les anglais imposent leur style dans une forme d’exploration pop où chaque membre tire grâce à son talent le groupe vers le haut.

La magie opère dans ce premier EP de Black Country, New Road. Loin de s’agenouiller devant un marché musical friand de standardisation, les anglais font trembler les barreaux de la cage pour mieux nous entrainer dans un univers foutraque et proche du chaos dont la complexité apparait  au fil des écoutes dans sa diversité et dans sa puissance. Sans transformer leur son, la musique des anglais rassemble des sonorités à plat dans un écrin brutal et vivace qui ne cesse de nous interpeller sur la notion, du beau, du mélodique. Alternant les parties complexe et les moments doux, les anglais impressionnent de leur capacité à créer un chaos maîtrisable et puissant. Dans un mélange travaillé, ils nous entrainent dans un ensemble de compositions uniques qui n’ont de cessent de nous remettre en question. Le septuor applique à la pop une construction proche du jazz. Black Country, New Road expérimente en live une musique puissante et sauvage qui écorche à grand coup de griffe la bien pensance pop.

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com


Copyright : Quai Baco Stimuli - Mentions légales - S'abonner - Contact Pro - contact@quai-baco.com - Quai Baco Production