Quatre ans après le dramatique et lumineux Everest, Girls In Hawaii nous reviennent dans un « Nocturne » moins autocentré mais toujours aussi beau. Délaissant peu à peu les guitares pour une collection de claviers tous plus granuleux les uns que les autres, les belges font évoluer leur style avec un talent hors norme et nous concoctent un 4ème album gracieux et resplendissant d’une matière musicale en constante évolution.

Ouvrant brillamment la voie sur un « This light » doux et grave, les Belges ne mettent pas longtemps à poser le décor de cet univers aux graves ronds et aux aiguë feutrés. Travaillant un motif à la mélancolie très prononcée ils nous proposent un premier titre oscillant entre pop et electro, rappelant le côté feutré d’un groupe comme AIR. Jouant de leur lenteur pour mieux nous instiller une mélodie ravageuse aux faux air de Dandy Warhols, les Belges apparaissent à la hauteur de leur réputation jouant sur des harmonies folles pour mieux nous envelopper.

La peine originelle du dernier album, s’est transformée en une tristesse harmonique sur l’état du monde que les belges retranscrivent avec beaucoup de talents dans des compositions denses et touchantes. Il y a depuis « Everest » une peine qui ne s’assèche pas ou peu et qui alimente ce talent sans fond que semblent posséder le groupe. Extrêmement bien travaillée, la musique qu’ils nous proposent se transforme en pop grandiose mais jamais écrasante. Dans un nuage synthétique les belges font émerger une acoustique folle qui de suite nous enveloppe de ce côté feutré et doux qui n’appartient qu’à eux. Arpèges guitare, claviers aux nappes envoûtantes (« Guinea Pig ») , la musique de Girls In Hawaii traverse les modes pour mieux s’inscrire dans une intemporalité mélodique que l’on adore.

Lente, possessive, la musique de Girls In Hawaii se plaît à installer progressivement une ambiance d’anticipation douce et sans précipitation. Usant de sonorités rondes, entre claviers au synthétique assumé et guitares aux arpèges cristallins, les Belges jouent avec les outils d’aujourd’hui sans tomber une seule fois dans une approche vulgaire ou commerciale.

Pourtant on ressent comme un essoufflement en fin d’album. Délaissant progressivement le côté acoustique pour affiner une approche plus electro, les belges semblent se perdre en chemin. Un peu plus ronronnants sur un « Blue Shape » lourd de sens ou ambiance Bouddha Bar sur « Monkey », Girls In Hawaii se laissent aller à une facilité qu’on ne leur connaissait pas. Heureusement, ce passage dans une electro pop un peu branchée ne dure pas et l’on retrouve avec joie les harmonies des belges sur un « Walk » à la pop mélodique.

Possédant ce je-ne-sais-quoi de doux et de rond qui lentement s’insinue en nous avec force, ce « Nocturne » remplit finalement complètement sa mission. Capables de modeler une pop aux envolées mélodique rare et enivrantes, Girls In Hawaii construisent une musique contemplative et profonde qui semble tomber du ciel. Jouant sur les vocalises, travaillant une électro avec talent, les belges tracent leur voie avec classe en nous enveloppant de leur pop unique, discrète et prenante.

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com