/// CHRONIQUES
Date d'ajout : 29-04-19

Eiffel – « Stupor Machine »

Démarrée en 2001, l’aventure Eiffel s’était mis en pause en 2012 après « Foule Monstre » . Cette pause aura duré 7 ans durant lesquels chacun des membres a pu creuser ses projets personnels pour mieux nous revenir cette année au travers d’un nouvel opus intitulé « Stupor Machine » . Revenant au rock de leur début, la bande à Romain Humeau nous entraine dans une rage toujours intacte et revendicatrice. Puisant leur inspiration dans leur peur d’une époque leur échappant, ils nous parlent des dérives d’une société et se questionnent sur leur place respective dans un concert de rock gras comme les années 2000 savaient si bien en produire.

Eiffel - "Stupor Machine" : La chronique

Dans un rock fin 90’s, ce premier titre « Big Data » nous permet de retrouver un groupe Eiffel toujours aussi incisif dans un premier titre en forme de retour assumé à un rock puissant et tapageur. Romain Humeau entouré d’une line up identique à celle du précédent album sorti il y a 7 ans, nous entraine dans un rock entrainant et décapant aux sonorités propres et tranchantes. Exit l’électro de « Foule Monstre » avec ce retour aux sources, Eiffel se plait à retrouver l’énergie rock des débuts. Dans ce premier titre, Romain Humeau remet les pendules à l’heure et à l’image d’un Matmatah fait mentir les mauvaises langues qui les avaient définitivement enterrés.

Il y a une noirceur dans ce rock alarmiste qui nous présente un groupe en proie au doute et à la peur du lendemain dans des titres où les sujets de société et les amours prennent la couleur d’un groupe vieillissant. Mais là où chez d’autre, cela pourrait apparaître comme un obstacle, Eiffel en fait une véritable force. Sans tabou les français mettent en avant leurs émotions en se foutant pas mal du qu’en dira-t-on. On plonge la tête la première dans ces titres aux accords gras et gourmands qui viennent faire trembler la cage d’une période qui semble leur filer entre les doigts. Les français dessinent en creux de cet album leurs désillusions sur un futur qu’ils imaginent difficilement heureux. Loin de chanter l’espoir, la musique de Eiffel dessine sans fioriture une approche pragmatique d’une époque complexe.

Dans une sorte de punk rock déliquescent, Eiffel prouve sur « Manchurian Candidate » le côté salvateur de cette pause qui leur aura permis de penser de façon plus instinctive leur approche et ainsi de nous fournir un album parmi leur meilleur. Il y a du Noir Désir dans ce titre sans concession plein de guitares bruyantes et d’une mélodie entrainante. Multipliant les bonnes idées et les illustrations sonores, Eiffel dessine une sorte de titre cinématographique vite addictif. On pense à Deportivo, à Noir Désir dans cette pièèce courte et enragée qui voit l’équipe de Romain Humeau casser tout les codes pour mieux nous asperger de son rock puissant et tapageur qui ne cesse de se transformer dans un tout impressionnant de pertinence.

Capable de nous entraîner aussi bien dans un rock tendu que dans une pop plus mélancolique, les français ne s’enferme pas dans un style mais nous proposent une approche propre et reconnaissable. Romain Humeau nous prouve une fois de plus son aisance mélodique, cette façon qu’il a de multiplier les bonnes idées pop dans un titre qui vite nous emporte dans une mélopée douce et porteuse sur « Chasse Spleen » ou « Choco » . Eiffel n’a pas son pareil pour aligner les accords et dessiner une musique trainante qui nous colle à la peau et que l’on garde longtemps en tête. Comment ne pas tomber amoureux de cette composition où les couches rock se superposent pour mieux nous entraîner dans une mélodie délicate et entrainante. 

A l’image de Matmatah, les français d’Eiffel ont l’intelligence de garder un style reconnaissable entre tous qui fonctionne une fois de plus à merveille. Sur des textes travaillés, la bande de Romain Humeau transforme l’essai au travers d’un album noir aux envolés rock diablement bien travaillée. À 48 ans Romain Humeau garde en lui cette rage intacte qu’il communique au travers de compositions brutes et grasses mettant en avant les inégalités, les peurs associées à une société allant de plus en plus dans le mur. Eiffel fait du rock comme à ses débuts, plein d’un entrain rageur, d’une saine colère qui ne semble jamais se calmer voire augmenter au fur et à mesure des années. Criant sa peur, son incompréhension, sa colère, le groupe ne se réinvente pas mais multiplie les bonnes idées dans un background qu’il sait puissant et convaincant. Avec un sens du rock, ils nous traînent dans un univers à la noirceur  paranoïaque et puissante qui fonctionne parfaitement.

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com


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