/// CHRONIQUES
Date d'ajout : 11-10-20

Arman Méliès – « Basquiat’s Black Kingdom »

Quatre ans après son dernier opus, Arman Méliès égraine depuis le début de l’été ses 3 nouveaux albums, sorte de triptyque traitant de l’amérique dans une vision héroïque et grandiloquente. Après « Roden Crater » sorti courant juin, et avant « Laurel Canyon » à venir en janvier prochain, c’est au tour de « Basquiat’s Black Kingdom » de pointer le bout de son nez en cette rentrée. Fort d’un mélange de sonorités rock, ce 2ème opus fait la part belle à une musique brutale et harmonique qui voit Arman Méliès travailler la matière sonore tel un peintre convoquant à chaque titre une œuvre ou une période de la vie de Jean-Michel Basquiat. 

Arman Méliès - "Basquiat’s Black Kingdom" : La chronique

Sculptant une matière sonore brutale et concise dans ses sonorités, il dessine avec soin sur « La voyante », une musique très cinématographique. Construisant avec intelligence une composition longue, il réussit dès le démarrage de cet opus à nous entrainer dans les tréfonds de son univers à la noirceur scintillante. On se laisse complètement embarquer par ce morceau qui sous un démarrage au rock haletant cache en sons sein une pop à la sobriété mélodique. Prenant son temps, Arman Méliès profite de ces 9 minutes pour mieux stabiliser sa musique. On se laisse prendre au jeu de ce thème qui progressivement prend de l’ampleur. Puisant aussi bien dans un rock dur que dans une pop enlevée, le français construit un titre hors du temps loin des canons du genre pour mieux imposer son concept avec une approche follement enivrante.

Dans cet album le rock tient un rôle majeur et on ne boude pas son plaisir à l’écoute de ces différents titres en forme d’Ennio Morricone sauvage « Royal Bourbon », « Samo ». Utilisant avec délicatesse les sonorités du grand compositeur italien tout en les mixant dans une sorte de rage harmonique, le français nous impressionne de sa capacité à produire des titres au long cours extrêmement pesants. Dans une noirceur dynamique, il éparpille son talent dans une sorte de cage dorée rappelant à la fois la musique western et la puissance mélodique de l’œuvre de François de Roubaix. On se laisse prendre au jeu de ces passages feutrés côtoyant un rock abrupt et lourd. Mettant en place différentes variations de son thème il n’hésite pas à multiplier les bonnes idées musicales pour mieux nous imposer des compositions à l’instrumentation enlevée.

ll y a dans la musique d’Arman Méliès une fougue à l’énergie dévorante à l’image des peintures de Basquiat « Riding with Death ». Produisant un rock aux harmonies entrainantes, le français dessine une musique une fois de plus enveloppante dans la grande tradition des panoramas cinématographique. On retrouve dans cet amas musical à la puissance travaillée, une véritable ode à une époque révolue, une fenêtre sur l’Amérique imaginaire du français. Dans un rock aux boucles infinies Arman Méliès dessine sur « L’héroïsme », une composition en forme de bande originale. Graphique dans ses choix de sonorité, capable de nous enivrer de ses tourments électriques, il transforme l’essai sur ce 2ème opus concept avec un sens de la composition extrêmement pointue. Dans cette composition au long cours dépassant les 10 minutes, il nous offre une sorte de mouvement énergique et taillé pour le live où s’affirme une sorte de volonté rock et en même temps une grande imagination qui vient fertiliser une vision rêvée d’une Amérique urbaine pleine de cette violence créatrice et bouleversante. 

Album instrumental, concept, précis, puissant et rock, tout est synthétisé dans ces titres loin des formats radios qui donnent la voix à un auteur méconnu du rock français. Délaissant l’approche classique d’un rock standardisé pour mieux créer son propre environnement dans des compostions longues et salutaires, Arman Méliès met tout le monde d’accord sur ces titres d’où s’échappent une puissance rare qui ne tarde pas à devenir addictive. Inspiré par le New York de Jean-Michel Basquiat, cet album donne à voir un artiste composant une oeuvre complexe et exigeante. Proposant une vision désillusionnée et aussi brutale que pouvaient l’être les peintures de Basquiat, la musique d’Arman Méliès se glissent dans les soubresauts de la vie pour mieux rendre compte de cette période des débuts 80 où l’art brut n’en finissait pas de se réinventer et où tout une génération d’artiste a vu le jour. On est immergés dans cette puissance rock faisant la part belle à une spontanéité calculée qui comme dans les peintures de Basquiat nous happe par sa pertinence.

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com


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