C’est isolé dans la campagne vendéenne que Séverin a concocté ce nouvel opus intitulé « Transatlantique ». Poursuivant son approche d’une instrumentation pop légère sur des textes très travaillés, le Français nous délivre un album chantant les louanges du multiculturalisme et de ses bienfaits. Au travers de sa situation personnelle, il nous propose une plongée dans une chanson française revisitée et diablement percutante.

Dans un premier titre plus parlé que chanté « L’interview », le français nous sert une composition où il se plait à imaginer ses prochaines interviews. Innovant dans  cette façon de se justifier directement dans l’album, Séverin met en exergue avec simplicité et pertinence une époque où tout artiste se doit d’être engagé. Le français nous impressionne de sa clairvoyance. Avec un sens de la prose il nous emporte dans une sorte d’audio-réalité qui fustige la pensée unique et cette incompréhension du grand public envers les artistes un peu à la marge. 

Il y a du Benabar chez Séverin dans cette façon de se lancer doucement dans une critique parfois acerbe de notre société « L’Abstentionniste ». Avec verve, le français présente cette France qui préfère parfois raisonner en terme d’écologie mais loin d’une politique sans intérêt. Par petites touches, il construit un nouveau style prenant sa source dans une musique au brésilien chevillé au corps et des textes dont la plume éreinte ou rend réaliste (c’est selon) une certaine vision de la France et des français. Avec un sens de la poésie, il s’affirme un peu plus dans un album en forme de révélation qui utilise les chemins de traverses pour mieux imposer ses idées et ses paroles.

Séverin a beau être seul sur la pochette, c’est bien un duo qui apparaît dans ce nouvel album. La jeune femme avec qui le français partage sa vie, est brésilienne et ne cesse d’être présente aussi bien par le style adopté que par cette prose qui n’a de cesse d’en faire l’éloge avec cette finesse qui le caractérise. Ainsi sur la bossa nova de « En vacances » ou la pop légère de « Elle est là » le français nous dresse le portrait tout en finesse de sa compagne en forme de déclaration d’amour. Doucement entrainante, la musique du français nous entraine dans un titre au texte magnifique, sensible sans être pathos, juste sans être clinique. 

Que cela soit sur « La vie Con » ou « Parle Moi », le français multiplie les bonnes idées instrumentales travaillant avec rigueur et pointillisme des styles peu usités en chanson française. Avec cet album le français redonne à cette musique, au yeux d’un public français parfois un peu biberonné aux raccourcis, toute sa saveur mélancolique (que l’on ne voyait pas forcément dans les musiques de la Compagnie Créole). Loin de se lancer dans un zouk ou une bossa nova en forme de tapisserie, il utilise à chaque fois le style pour mieux appuyer son propos et apporter un décalage extrêmement addictif.

Avec un fort sens de la mélodie, Séverin dessine une pop proche d’une nouvelle scène française pleine d’une instrumentation ensoleillée. Touchant parfois du doigt une variété française un peu désuète, Séverin assume pleinement avec un sens de la formule qui vite nous emporte. Chaque titre du français possède ce folklore très îlien. Dans une sorte de biguine voire de zouk, le français étonne de son aisance à proposer une chanson française fraîche et rafraîchissante. Abordant le thème de l’amour, il réussit à dépoussiérer avec franchise et talent un style de variété française en y intégrant une grand part de soleil au travers d’instrumentations rigoureuses et décalées qui donnent au tout un sentiment d’ailleurs bienvenue. Avec ce virage instrumental que l’on sentait arrivé dans son précédent album Séverin ne fait pas le choix de la facilité mais impose avec tact et bienveillance son univers mélange de culture française et brésilienne.

Arnaud Le Tillau
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