Prohom – « Un Monde Pour Soi »
Hasard des calendriers, «un monde pour soi», le nouvel album de Philippe Prohom, a précédé de quelques jours la sortie du dernier Indochine. Nicola Sirkis aurait peut-être pu y jeter une oreille attentive…
En effet, on peut dire que « Un Monde Pour Soi » est l’exact opposé du nouveau chef d’oeuvre de Nico, ou plus exactement le film négatif. Là où Indochine sort l’artillerie lourde pour créer artificiellement et maladroitement un univers sombre et désabusé, Philippe Prohom, en quelques notes, quelques mots y parvient sans mal.
Il nous embarque dès les premières secondes du superbe « Comment lutter » et sa montée en puissance ultra-efficace. Un retour au style éléctro-rock des débuts. On retrouve des textes ciselés au cordeau, noir, au questionnement omniprésent (« Quand reviendras-tu? »), traitant par exemple du processus créatif (« L’encre au bout des doigts ») de la mort, de l’amour (« Un monde pour soi »), mais toujours avec une émotion palpable à chaque instant.
Comme chez Indochine, on retrouve des arrangements qui font la part belle aux synthétiseurs et boîte à rythme : le parallèle est intéressant dans la mesure où, dans le cas du groupe issu des 80’s, cette accumulation à tendance à diluer toute tentative d’émotion dans un magma froid et brouillon. Chez Prohom, la programmation intelligente est au service des textes, et surtout de mélodies de qualité comme sur « Madame Canaille » et surtout l’inquiétant « Au coin des rues » en duo avec Carmen Maria Véga.
On peut tout de même reprocher par moment une certaine froideur numérique à certains arrangements, comme sur « Dis-moi » aux sonorités légèrement house, ou parfois très typé 90’s (« Un mot sur tes lèvres »), mais cette impression est souvent atténuée par par la présence d’éléments extérieurs: des choeurs féminins sur « Je voudrais que tu sois morte », des cordes sur « Madame Canaille »…
Au fur et à mesure qu’on avance dans cet album, les qualités de songwriter de Prohom se font évidentes : « Demande-moi », aux arrangements plus pop, démontre que le lyonnais sait écrire des formats singles de qualité. « Mon âme or », titre plus posé, sans doute un des meilleur moment de l’album, est représentatif du mélange entre lyrisme et tension sous-jacente qui jalonne chacun des titres.
« Un Monde Pour Soi » est un album sombre et dense, qui se découvre un peu plus à chaque écoute. La voix puissante de Philippe Prohom porte de superbes mélodies mettant en valeur les textes, le tout soutenu par des arrangements éléctro-rock réussis. Certains devraient en prendre de la graine…
Marty Tobin
marty.tobin@quai-baco.com
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