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Date d'ajout : 13-02-13

Indochine – « Black City Parade »

Chronique Indochine - Quai Baco
Crier « ô génie » en parlant de « Black City Parade », le nouvel album d’Indochine, semble être la mode du moment. Il y a sans doute du vrai, car dans l’art d’accommoder les restes, Nicola et consorts sont passés maître, et pour notre plus grand plaisir.

Avec ce 12ème album studio, toute la difficulté pour le groupe était d’éviter le faux pas après plusieurs succès d’affilée, sachant que chaque note ou mot est disséqué et analysé par les fans et les médias. L’exercice est plutôt réussi.

En effet, avec « Black City Parade », Indochine s’est véritablement transformé en candidat Top Chef. Transformer des airs familiers voir déjà entendus en mets modernes et gastronomiques semble être devenu la spécialité du groupe. Ainsi, on retrouve dans cet album tous les ingrédients qui font leur patte, quitte parfois à en faire une indigestion. Le fameux riff 3 notes répété sur la boucle de 4 accords, marque de fabrique depuis les débuts du groupe, est largement présent sur les 2 tiers des titres (« Black City Parade », « College Boy », « Le fond de l’air est rouge »…). Il est bien sûr décliné à toutes les sauces, au synthétiseur sur « Belfast », japanisant sur « Anyway », ou encore réduit à une seule note sur « Thea Sonata », mais titre enrichit du désormais célèbre ®clap-clap/Indochine (marque déposée).

Indochine "Black City Parade" - Quai BacoMais Indochine ne serait pas vraiment Indo sans les paroles, et là encore, on retrouve nos points de repères habituels : la révolution (« Le fond de l’air est rouge »), le droit à la différence, le sexe… et pour peu que l’on adhère à la prose métaphorique et un brin floue de Nicola Sirkis, les textes montrent une expérience évidente ainsi qu’une qualité indéniable toujours plus présente au fil des albums. Bien sûr on échappe pas aux refrains « lalalala » sur « Kill Nico » et « Belfast », aux textes frôlant parfois le ridicule comme « Le messie », ou plus globalement, à cette impression d’entendre une 100éme déclinaison de « 3ème sexe » comme sur « Thea Sonata » et ses « toutes les filles sont des salauds »…

Mais la sauce prend plutôt bien : côté arrangements, on retrouve le virage noir post-apocalyptique entamé depuis « Dancetaria », l’expérience en plus. C’est lourd et chargé, mais réalisé avec plus de finesse qu’à l’accoutumé. Les arpèges de synthés se mêlent habilement aux basses énormes, les guitares vont-et-viennent pour créer un mur du son très travaillé et tout en subtilités. On est alors assez proche de « La république des météors » en plus positif. Saut dans le temps, la touche orientale disséminée ici et là (« Anyway ») nous rappelle avec plaisir les débuts du groupe période « Le Péril Jaune », tandis que l’utilisation intelligente des boîtes à rythme et synthés prouve que le groupe a su garder le meilleur des 80’s et écartant le côté froid et distant.

On sent la grosse machine prête à vrombir dans les stades. Car à n’en pas douter, ce « Black City Parade » est taillé pour la gigantesque tournée à venir. Les refrains-hymnes s’enchaînent sur des rythmiques simili-disco post-modernes endiablées avec « Le fond de l’air est rouge », « Nous Demain », « Black City Parade »… Au rayon tubes prévus pour le Stade de France, le très bon « College Boy » marque les esprits et démontre une fois de plus le savoir faire du groupe en matière de production. Ca claque et ça envoie, mais avec le risque de se lasser.

On aimerait parfois revenir à des fondamentaux plus dépouillés. Le très beau « Wuppertal » et ses arpèges de guitare démarre superbement mais retombe trop rapidement dans l’artillerie lourde de stades. Elément déconcertant, le groupe, rebelle au format radio standard, propose des titres avoisinant les 6 minutes, sans pour autant sortir de l’étroit carcan riff/couplet/refrain/riff usé jusqu’à la corde. L’ennuyant « Memoria » pâtit de ce paradoxe indochinien et peine à se lancer pour s’étirer artificiellement sur plus de 7 minutes…

Plus généralement, cet album donne l’étrange sensation d’écouter des versions de titres déjà formatés pour le live avec des fins à rallonge, mais joués en studio. Idéal pour taper des mains seul dans son salon. « Belfast » nous gratifie même de l’éternel passage grosse caisse/voix, nécessaire à tout bon concert d’Indochine, mais dispensable sur un album. A de rares exceptions près (« Nous Demain » et « Kill Nico » en tête), les compositions mériteraient d’être dégraissées pour en garder le meilleur, cacher sous des reverbs au kilomètre et des ponts instrumentaux interminables, mais avec le risque de dévoiler certaines lacunes mélodiques de la bande à Nico.

Il est indéniable que les mélodies d’Indochine sont très bonnes : musicalement, c’est en grande partie ce qui fait leur succès. L’inconvénient, c’est qu’elles se calquent les unes sur les autres et les ficelles sont souvent identiques. Toujours ces couplets légèrement monotones qui mettent en valeur un refrain impactant aux dernières notes un peu traînantes, tournant sur 2 phrases que l’on peut reprendre en choeurs.

Chez Indochine, et quelque soit la période, la méthode est la même, immuable, mais force est de constater que la recette fonctionne. En grand chef étoilé qu’il est, le groupe nous ressert au fil des années les classiques auxquels on est habitué, en agrémentant le tout de quelques nouveaux accompagnements de qualité qui font que l’on sort de table un peu lourd, mais pas mécontent. A déguster avec modération.

Marty Tobin
marty.tobin@quai-baco.com

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