Trio anglo-franco-suisse basé à Londres, Daughter sort en ce mois de mars son premier album. Écrit dans une veine sombre, le folk d’Elena Tonra navigue entre sobriété et violence rock.

C’est au travers d’un folk sincère que démarre cet opus. Pour les anglais, ce style est avant tout un champ d’expérience incroyable pont entre la pop et le rock. C’est ainsi que dès « Winter », premier titre de « If You Leave », Daughter nous enivre d’un folk très consistant qui, dans la surenchère d’une reverb assez vaste, se transforme en une sorte de rock vaporeux.

Puis suit « Smother » qui nous fait de suite entrer dans l’univers des anglais. Le style est cette fois ci beaucoup plus dénudé et sobre. La voix semble de bout en bout sur le fil du rasoir amenant une fragilité à fleur de peau, soutenue par un fil instrumental rappelant beaucoup les orchestrations d’Other Lives.

Mais c’est clairement sur « Youth » que l’on découvre le talent des londoniens avec cette voix rappelant une certaine pop nordique, vaporeuse et aérienne. Très cristallin en terme de rendu, l’arrangement précis a le bon goût de laisser suffisamment de place à la voix.

Une des grandes caractéristiques du groupe est cette force dans la réalisation de bande son très travaillées servant de base à toute l’instrumentation. Ainsi sur « Still » ou « Tomorrows », les londoniens redoublent d’inventivité pour l’intégration d’un sound design très travaillé et impactant. De même sur « Lifeforms » d’abord en soutient, le background musical composé de sound design et d’effets de guitare appuie clairement une montée qui dégonfle rapidement dans une structure classique mais diablement efficace. Osant des effets sur la voix la rendant innocente et fragile sur un final très brouillon où perdue dans une jungle électrique la voix de la leader tente de se tailler une route, Daughter expérimente, essaie.

Dans un monde musical plus en plus standardisé, les groupes de cette trempe se permettant une telle liberté se font malheureusement de plus en plus rares.

Le reste de l’album navigue entre folk épuré et rock gracieux, les anglais ne lésinant pas sur les effets et s’appropriant chaque ambiance passent du folk au rock en un instant réussissant à rendre le tout très homogène.

Véritable laboratoire de la folk, « If You Leave » de Daughter expérimente quitte à certaines fois sortir des sentiers battus pour mieux nous surprendre. Cette liberté fait plaisir à voir dans un monde de plus en plus standardisé. A seulement 23 ans les londoniens réussissent un opus des plus homogènes, gage d’une carrière impressionnante.

Arnaud Le Tillau
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