/// CHRONIQUES
Date d'ajout : 12-03-17

Emel – « Ensen »

Chef de file d’une jeunesse tunisienne, Emel Mathlouthi nous revient avec son nouvel album intitulé « Ensen ». Celle qui fut le porte drapeau du soulèvement Tunisien du 14 janvier 2011 au travers de son incontournable tube « Kelmti Horra » continue à nous emporter de sa fougue folle dans un univers arabisant extrêmement fouillé et vite addictif.

Emel c’est tout d’abord une voix, orientale, claire et cristalline qui dès cet « Instant » nous fait vite tourner la tête. Sur un background des plus bruts à la sobriété de mise, la jeune tunisienne se plaît à insinuer doucement des mélodies à la rondeur folle. On est vite pris par cette mise en scène musicale extrêmement travaillée qui donne au tout un je ne sais quoi de pop world. Emel dessine une musique douce et puissante qui de façon progressive nous enveloppe dans un cocon vocal extraordinaire.

Il y a indéniablement de la magie chez Emel, une façon d’imposer sa musique entre folklore et pop dans un écrin des plus tendres. Avec Emel la langue Arabe danse dans une multitude de sonorités croisant les instruments ancestraux et les beats actuels dans un tout à la pop cristalline. Capable de construire une pop à plusieurs entrées, elle nous bluffe de son talent sur un titre comme « Ensen Dhaif » possédant deux facettes. Une approche puissante en forme d’introduction qui vient ouvrir la voie à une mélodie folle portée par les prouesses vocales de la jeune tunisienne.

La musique de la jeune femme puise aussi bien dans la pop actuelle que dans le folklore local pour en retirer la substantifique moelle au travers de compositions en forme de pont entre les cultures. Cultivant avec talent les mélodies arabisantes pour mieux nous perdre dans une musique à l’électro assumée elle nous impressionne de son savoir faire. On retrouve dans cette musique l’approche si puissante de Nawel Ben Kraïem, cette façon de développer une nouvelle pop en mélangeant l’électro actuelle et le folklore ancestrale.

Construit avec l’aide de l’islandais Valgeir Sigurösson, Emel réussit à nous proposer une pop aux accents électro très présents. Ainsi sur « Lost », elle intègre une boucle electro expérimentale comme socle. Elle joue avec les boucles retours pour personnifier cet état de fait et parvient à bousculer nos repères dans une composition audacieuse et brute. Portée toujours pas cette voix sans commune mesure elle nous impressionne de son savoir faire, de cette façon qu’elle a d’imposer son univers issu de sa culture sans n’être une seule fois clanique.

Puisant dans les harmonies de son folklore, elle dessine une musique simple et riche à la fois possédant cette humanité folle. Cette voix loin des canons du genre, possède en elle toute l’émotion d’un peuple et d’une espérance. Brisant les bonne mœurs de la pop, elle déboule avec une humanité folle bousculer les bonnes pratiques d’une pop devenue au fil des ans de plus en plus creuse. Au contraire, Emel utilise cette pop en la remplissant de ses émotions et la faisant déborder de son humanité.

Celle qui fut à l’origine de l’un des hymnes de la révolution de Jasmin en 2011, continue donc à chanter sa liberté et la beauté de sa culture au travers de ces 11 titres tous plus chargés en émotion les uns que les autres. Enregistrés sur plusieurs continents et dans plusieurs pays, la jeune femme nous envoûte par ces différents titres en forme de combat permanent. Emel puise sa force dans le peuple tunisien, dans ce combat ordinaire pour une société égalitaire et respectueuse. Véritable personnification de la vie cet album nous fait rire, pleurer et finalement danser. Superbe !

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com


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