Daft Punk – « Random Access Memories »
« Random Access Memories » n’est définitivement pas ce que Daft Punk à fait de plus novateur. Ce nouvel album, c’est un mix habile entre ce qui a fait leur succès sur les précédents albums, et un melting-pot de leurs influences musicales. Mais avec « Random Access Memories », le recyclage devient un art, et le duo à su insuffler quelques éléments inédits pour enrichir un album aux multiples boules à facettes…
L’album de l’année… 1979
Car ici, point de blues ou de Vivaldi pour évoquer les racines de la musique dans l’évangile selon Daft Punk. C’est plutôt Earth, Wind & Fire et Chic qu’il faut évoquer. RAM est un album funky à l’image du single « Get Lucky ». Afficionados de la cocotte funk, de la ligne de basse en contre-temps légèrement slappée et de la caisse claire qui claque, vous allez être servi. Et ça commence dès le titre d’ouverture « Give life back to music ». Après des premières mesures dignes d’une intro de concert de rock, la guitare de l’omniprésent Nile Rodgers nous embarque 30 ans en arrière, rapidement rejoint par les voix vocodées de nos robots préférés. Cette rythmique implacable, ce riff, cette mélodie… On les a déjà entendu 1000 fois, mais c’est fait de telle manière que l’on tombe dans le piège avec plaisir, et impossible de ne pas dodeliner la tête.
Même constat sur « Lose yourself to dance » ou « Get Lucky » avec Pharrel Williams : la production est superbe et chaque mélodie s’infiltre insidieusement dans nos cerveaux pour ne plus en sortir. Les Daft Punk nous refourguent leurs vieux funk post-daté, on en est pleinement conscient, mais ils trouvent toujours le moyen de nous garder dans leurs filets grâce à des morceaux calibrés à la perfection. Bien sûr, si on s’arrête à cet aspect disco-funky-sympa, on a juste affaire à un album très correct. On tient là l’album de l’année… 1979. C’est parfait pour cet été, et là où Phoenix a raté son hommage aux 80‘s, Daft Punk réussi celui aux 70’s.
Coups de génies…
Mais ils sont malins, les bougres. En alternance avec ces quelques titres bien fun, le duo nous assène quelques pépites électro-pop beaucoup plus intéressantes. « Giorgio by Moroder » est plus qu’un hommage au pape de l’électro, c’est avant-tout un morceau-marathon de 9 minutes alternant les parties à base de gros arpèges vintage, roulements dignes du batteur du Muppet Show, solo de clavier jazzy, et basses énormes pour finir en harmonies de guitares rock. On s’arrête, on repart, on calme, on s’énerve. La recette est connue mais elle fonctionne divinement. Les Daft Punk sont décidément les spécialistes pour faire tourner une boucle de 4 accords sans que l’on s’ennuie une seule seconde.
Bis repetita avec « Contact » (feet DJ Falcon) , fils caché de « Spacer » de Sheila et d’« Aerodynamic » sur Discovery, et morceau idéal pour tout joueur de Air batterie en herbe. Une longue montée en puissance jouissive marquée par une fin en apothéose qui laisse bouche-bée.
Autre grand moment, « Touch » interprété par Paul Williams. On ferme les yeux et on revoit le Swan de Brian de Palma dans « Phantom of the paradise », une ambiance à la fois inquiétante et touchante ponctuée de différentes parties distinctes. On passe de la variété 70‘s façon Maritie et Gilbert Carpentier, pleine de cuivres et de piano, à des ruptures brutales de tempo autour du même thème, pour finir en harmonies vocodées puis choeurs aériens soutenus de cordes. Les Daft Punk se font plaisir, et nous avec.
Au rayon des nombreuses bonnes surprises, citons encore « Instant Crush » avec la voix haut-perchée de Julian Casablancas des Strokes. Un gros tube electro-pop au refrain imparable et toute en retenu. Superbe.
Dans un style différent, « Motherboard » marque aussi l’album. Seul titre totalement instrumental, il réussi l’alliance électronique/acoustique de belle manière sans une once de guitare funky (ouf) ou de vocodeur et instaure une ambiance calme et inquiétante qu’on pourrait croire sortie d’une bande originale. « Within » avec le génial Chilly Gonzalès reste dans cette atmosphère plus posée, avec une ballade piano à la mélodie parfaite, où les robots se montrent touchants, quasi-humains. Des parenthèses agréables sur un album un brin clinquant sur la longueur.
Daft Punk, les Jean Dujardin de l’electro
De longueur, parlons-en. Les 74 minutes passent agréablement, mais certains titres s’étirent trop. « Lose yourself to dance », « Get Lucky », « Fragments of time » sont des morceaux éminemment sympathiques, mais ne méritent pas forcément les multiples copier/coller de boucles disco/funk de plus de 5 minutes et on aurait aimé un album plus concis pour encore plus d’efficacité… De plus, RAM n’échappe pas aux titres à l’intérêt plus limité, comme « Doin’t it right », rencontre de l’électronique des Daft Punk et des voix pop reverbées de Noah Lennox de Panda Bear.
« The game of love », slow-funk moite pour bar-lounge est aussi discutable, mais Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo assument pleinement l’aspect parfois kitsch de certains arrangements. L’introduction façon « Spinal Tap de l’électronique » sur « Give life back to music », les paroles à base de « Everybody on the floor » ou de « Come on », la voix de l’espace de « Contact »… autant d’éléments où Daft Punk effleure le ringard. Mais quand c’est fait de belle manière, on excuse tout.
Bien sûr, l’époque ou la patte de Daft Punk était synonyme de samedi soir avec mauvaise Vodka-orange dans un gobelet est révolue. Le son s’est lissé, ou plutôt affiné, et c’est maintenant dans une ambiance plus feutrée que le verre de vin blanc se déguste. Les deux compères ont vieilli et la carte des menus a changé avec eux. Alors « Random Access Memories », album de la décennie? Pas sûr. Au même titre que « The Artist » est un très bon film, le fait de s’approprier le passé avec une classe internationale ne suffit pas à prétendre au titre suprême, ce qui n’enlève rien à l’immense talent de nos 2 Jean Dujardin de la musique. En revanche,. La foule de guests, sans nuire à la cohérence de l’album, apporte au contraire les touches inédites aux Daft Punk permettant sans aucun doute de se hisser au rang d’album de l’année.
Finalement avec « Random Access Memories », rien de très nouveau. Daft Punk propose des mélodies entêtantes avec des arrangements ciselés comme jamais, tout en jouant la carte retro-futuriste à la perfection. Ils nous parlent simplement de la musique qu’ils aiment et réussissent l’énorme tour de force de sortir la musique qu’on a envie d’écouter en 2013, mêlant un sentiment de nostalgie et d’innovation emblématique de notre époque. Chapeau les gars.
Marty Tobin
marty.tobin@quai-baco.com
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