Pierre Lapointe ne cessera donc jamais de nous étonner. En pleine tournée de la « Science du cœur », le voila de retour pour un album surprise doublé d’un show électrique au rock coloré qu’on ne lui connaissait pas. Accompagné d’un groupe monté pour l’occasion, « Les Beaux sans Coeur », Pierre Lapointe s’amuse avec son compère de composition Philippe Brault. Le résultat est un album excentrique et exutoire en forme de grosse blague superbement produite qui nous fait dire une fois de plus que le québécois est à part.

C’est par un véritable tube aux relents de guitares 70’s que le québécois ouvre ce nouvel album. Jouant avec le drame, Pierre Lapointe nous envoie en pleine face un premier titre riant et plein d’un humour noir brillant. « Ton corps est déjà froid » dessine un groupe de rock décomplexé et amusé qui se plait à produire une musique fantasmée. Turbinant à plein gaz dans un titre éponyme au design léché et au clip à tomber, les québécois s’amusent de leur insolence et ne se prennent pas une seule fois au sérieux. 

Ne s’imposant aucune barrière, ils construisent des titres rêvés avec pour seule contrainte le fait de faire une musique simple et impactante. Parlant de sexe, de religion ou de mort avec une liberté de ton rare, les québécois explosent les codes avec un goût immodéré pour l’insolence créative. Faisant se rencontrer garage rock et yéyé sur des titres à la nonchalance proche d’un Dutronc « Toi tu t’en fous », les québécois ne se prennent pas la tête et ne cherchent pas à faire dans le détail.

Il y a un désespoir tourné en dérision dans cet album qui utilise les codes 60’s pour mieux les exploiter dans un contexte actuel « Vrai ou faux ». Noire et brutale, la musique de ce nouvel opus se plait à enjoliver dans un rock festif ou une pop colorée des compositions aux textes dramatiques et parlant de souffrance comme sait si bien le faire Pierre Lapointe. Transpirant la vengeance drolatique « Toi tu t’en fous », le désespoir humoristique « 4 jours, déjà », on est emporté par cette vague qui ne se voile pas la face et qui se plait à multiplier les bonnes idées sans jamais se demander ce que le public en pensera. Il n’y a aucun calcul dans cette musique, simplement le besoin de se faire plaisir et tant pis si cela ne fonctionne pas. Que l’on se rassure c’est une tuerie!

Sur une fin d’album en forme d’hommage au punk-rock français des années 80, les québécois s’inscrivent avec leur musique dans une lignée humoristique et brutale dont Elmer Food Beat, les Wampas ou Ludwig Von 88 sont les dignes représentants. Rock égrillard aux jeux de mots douteux et forcément sexuels, le groupe fait n’importe quoi avec un talent hors du commun s’amusant à trucider un rock avec plaisir, jactant, remuant puis ne maîtrisant plus une musique lancée à 100 à l’heure qui se termine en une sorte de magma osseux et saturé. Bref du gros rock!

Sur ce nouvel album, le rock s’infiltre partout, les structures explosent et ne cherchent pas à plaire. Un seul mot d’ordre, se faire plaisir et en mettre des tonnes pour brutaliser et colorer des textes noir dans l’ensemble. Pierre Lapointe et Philippe Brault n’ont pas leur pareil dans la construction de titres atypiques qui ne ressemblent à rien d’autre et nous entraînent dans une puissance sourde. Il y a une folie dans ces titres de celle qui ne connaît pas de limite et qui se plait à flirter avec une ligne rouge. Cet album fait pour déconner et qui ne devait jamais sortir fera le délice des amoureux d’un rock sans prise de tête dont on a parfois presque honte. Cet album est une ode à la vie, à ses excès parfois salvateurs. Les québécois font trembler les barreaux de la cage et vivent pleinement un rock fantasmé en faisant ce que bon leur semble pour mieux extérioriser leur démon dans un feu d’artifice rock 60’s.

Arnaud Le Tillau
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