/// CHRONIQUES
Date d'ajout : 04-05-21

Niki Demiller – « Autopsie de l’homme qui Voulait Vivre sa Vie »

Baby Rocker en 2004 au sein des Brats, Niki Demiller fut très tôt dans le grand bain des tournées et du rock hexagonal. Terminée en 2010, la brève historie des Brats laisse la place à une vie comme VRP dans une entreprise d’évènementiel avec toujours cette volonté de faire de la musique accrochée au corps. Reconverti depuis 2015 dans la composition pour le cinéma, le français utilise son expérience de cadre pour dénoncer dans ce premier LP les cadences infernales et l’uberisation des métiers du service. Intitulé « Autopsie de l’homme qui Voulait Vivre sa Vie » , ce premier LP fait la part belle à une introspection et une réalité vécue dans une pop à la sobriété froide et addictive.

Dès le premier titre « Septembre à nouveau », on ressent une sorte d’urgence qui s’impose à nous dans une sorte d’écho clinique. Travaillant les sonorités d’un piano aux cordes frappées, Niki Demiller dessine un décor à la pop brute et sobre. On se laisse happer dès les premiers mots par la voix enveloppante du français qui pose, sur un background à la pop enlevée, un flow sans faille et tout en tension. Il y a une sorte de présence immense dans ce premier titre, Niki Demiller prend toute la place et nous embarque dans ses interrogations, dans ses doutes et ses non-choix. Jouant la tragédie dans ce titre qui voit un homme se questionner  sur son avenir.

« Sur l’asphalte » au travers de sa dureté et sa sécheresse nous plait énormément. Dans une pop rock extrêmement puissante, le français rend compte de l’enfermement du VRP dans sa puissance de salarié. Dénonçant au travers de ses titres une forme de contradiction d’un homme fier de son travail et en même temps fuyant une réalité qu’il ne veut pas voir, Niki Demiller explose les compteurs et construit un titre qui n’en finit pas de nous faire frissonner. On se laisse embarquer par ce rock tonitruant qui fonctionnement parfaitement. 

Le piano tient une grande place dans l’univers du français. Avec fougue, Niki Demiller inscrit sa création dans une musique syncopée et rythmique qui mêle pop sobre et textes forts dans une sorte de valse bancale qui nous fait frissonner. Il y a du désespoir dans cette musique. Une souffrance qui se lit dans les textes et dans un titre comme «Autopsie de l’Homme Qui Voulait Vivre sa Vie » voire « Hyper Bipolaire » où  les envolées courtes et brutales précèdent une descente aux enfers. La musique du français nous entraine dans le combat d’un homme en prise avec son ambition et ses rêves.

Piano, voix basse, batterie, la sobriété du français se plait à illuminer une chanson française rappelant brièvement Jacques Higelin sur le merveilleux « Tertiaire Blues » ou le très 70’s « Deseducation ». En effet dans une sorte de folie pop très théâtralisée, il transforme sa composition en une magnifique ode à la pop éclatante. Travaillant avec puissance une musique à l’approche baroque pleine de liés et de déliés, Niki Demiller dessine une chanson française pas si foutraque qu’elle n’y parait. Multipliant les couches instrumentales dans un ensemble à la sobriété enlevée, il nous transporte dans son univers entre milieu de l’entreprise et pop rêveuse. Ce mariage qui apparaitrait pour tous contre nature fonctionne à merveille dans un mélange de légèreté pop et de gravité .

Avec une simplicité qui l’honore, Niki Demiller déconstruit ses titres tout en gardant une harmonie toujours très attrayante qui fonctionne à merveille. On est loin du couplet refrain classique, là les parties s’enchaînent et les instruments fusionnent pour un rendu à la précision rare. Le choix des instruments, cette volonté d’instrumentation toujours proche de la discrétion font de ces différents titres une ode à la simplicité proche du design. Construisant ses titres autour de l’univers du bureau, le français y intègre sa vision d’un monde qu’il a vécu de l’intérieur. Traduisant avec beaucoup d’agilité, et une réalité froide un monde faite d’habitudes et de codes, Niki Demiller tranche dans le vif tout en poussant ses création à la frontière de la rêverie et de la réalité. Sur ces 10 titres, le tragique se mêle à la monochromie et à la brutalité sobre. Creusant une musique qui n’en finit pas de nous bouleverser, Niki Demiller construit une oeuvre à la réalité pragmatique qu’il met en mouvement dans une suite de podcast sur son expérience passée. Instructif et courageux !

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com


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