/// CHRONIQUES
Date d'ajout : 17-05-16

Benjamin Biolay – « Palermo Hollywood »

Biolay. Ce mot sonne comme une récompense. Et pourtant depuis le chef d’œuvre que fut « La Superbe », le Français n’était pas forcément dans sa plus grande forme artistique sur des albums mièvres ou sans intérêt. C’est donc avec des pincettes que l’on s’approche de ce nouvel opus intitulé « Palermo Hollywood ». Gracieux et remuant, Benjamin Biolay semble retrouver cette fois ci son talent hors norme au travers de 14 titres d’où pointe sa deuxième patrie : l’Argentine. 

« Palermo Hollywood » est un titre qui résume à lui seul l’approche musicale de Biolay. Hollywood pour ces paillettes orchestrales et ce souffle si américain dans la composition et Palermo pour cette touche singulière, cette écriture tranchante et douce qui nous fait chavirer à chaque strophe. Musique cinématographique à souhait, vision intimiste dans un cadre grandiloquent, tristesse et mélancolie à chaque coin de rue, le Français nous propose sur ce premier titre ce qu’il sait faire de mieux. On est vite emporté par cette mélopée douce à peine susurrée par le lyonnais qui donne au tout une puissance folle. Mélange de cordes sombres et d’une ambiance de western, les arrangements sont d’une grande élégance et concourent à un titre des plus marquants.

Construisant son album autour de la figure centrale d’un quartier de Buenos Aires, Biolay nous impressionne de son parti pris, de cette mise en danger constante et payante qu’il impose à chacune de ses compositions. Mélangeant musique latine et chanson française dans un cadre toujours aussi classieux, il nous offre une déclaration d’amour à ce pays qui le voit s’exiler lorsque la grisaille parisienne lui pèse trop. Lisse sans être trop propre, B.B. donne à voir l’étendu de son talent. Loin des standards de la chanson française, il dessine sa propre vision mélodique aux textes épurés et saisissants de fragilité.

Mélangeant pseudo légèreté Argentine et lourdeur française, il entrelace ses musiques  pour un rendu des plus troublant. Gainsbourien dans le sensuel et fataliste « La Débandade » où avec humour et second degré il dessine une vision intime de la vieillesse, tragique sur le décalé et triste « Ressources Humaines », l’artiste n’oublie pas et n’occulte pas les tracas du quotidien et les drames humains d’une société française en souffrance.

Il y a une finesse folle dans l’approche instrumentale du lyonnais. Mélangeant avec beaucoup de classe musique orchestrale et textes ciselés, il nous propose une approche entre gravité et dérision qui à l’image de l’époque actuelle nous plonge dans une sorte de fatalisme poétique dont il a le secret. On est vite immergé dans cette musique ample et princière qui ne cesse de prendre de l’ampleur à mesure que la voix du français se tarit.

Multipliant les inspirations cinématographiques, Biolay chérit un cadre instrumental qu’il ne cesse d’enrichir de son expérience. Rappelant Ennio Morricone sur le premier titre éponyme, c’est à François de Roubaix que l’on pense sur le magnifique « Borges Futbol Club ». Loin de se faire aspirer par cette matière musicale si dense, le chanteur l’utilise à bon escient pour souligner les sentiments qu’il susurre de sa voix grave.

La force de Biolay sur ce nouvel album est de chanter avec une élégance folle un français poétique sur des arrangements à la légèreté de mise. Talentueux, il dessine avec finesse des chansons entre pragmatisme cru et poésie vaporeuse dont on ne sort pas indemne. Benjamin Biolay apparaît comme cette clarté des petits matins, cette blancheur laiteuse qui recouvre avec classe les défauts. On y retrouve cette fulgurances dans l’écriture et dans la musique que l’on avait détecté il y de cela plus de 6 ans sur son chef d’œuvre « La Superbe ».

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com

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