Définir le style de musique de Pascal Comelade est un exercice périlleux, et ce n’est pas avec « El Pianista Del Antifaz » que la tâche va s’avérer plus facile. On pourrait partir sur une base de tango mélangé à du rock, du jazz ou de la musique contemporaine, mais cela serait encore réducteur compte-tenu de la large palette déployée par le catalan sur ce nouvel album.

Bien sûr, Pascal Comelade est un multi-instrumentiste et pianiste hors-pair. Il suffit d’écouter « Friki Serenata » ou « El Pianista Del Antifaz » pour s’en convaincre. Mais passé l’aspect technique irréprochable, ce qui saute aux oreilles, c’est cette manière détonnante qu’à Pascal Comelade de s’approprier les genres musicaux pour mieux les détourner et les mélanger.

« El Pianista Del Antifaz » est un tango axé autour du duo piano/accordéon mais saupoudré d’une rythmique faite de percussions légères et improbables qui amènent un charme inattendu et poétique au morceau. Ajoutez à cela un thème simple et habilement développé et on obtient un superbe morçeau représentatif du melting-pot de l’album.

Que ce soit du rock yéyé des années 50’s avec « Spinoza was a soul garagist » ou encore la guitare archi-saturée de « Portrait de l’artiste avec des lunettes pour voir », Pascal Comelade passe d’un genre à l’autre avec toujours en dénominateur commun des arrangements ciselés avec précision, regorgeant de petites trouvailles et mêlant cuivres, cordes, percussions en tout genre. On navigue à l’intérieur de ces instrumentaux comme dans des mini bandes originales racontant des histoires simples et optimistes.

Mais sous cette apparente simplicité se cache souvent une finesse incroyable comme sur le titre d’ouverture « O Dancing Del Gran Fumisme » : un beau thème ensoleillé légèrement bossa où se mélangent avec une facilité déconcertante xylophone, piano, cuivres, banjo, orgue… Superbe. C’est d’ailleurs la grande force de « El Pianista Del Antifaz » : dérouler devant nous des thèmes souvent entêtants tout en les enrichissant, les harmonisant de manière complexe sans jamais trop en faire.

Et on tombe dans le piège, que ce soit sur « Ze Crypto-Situ Cow-Boy rides Again » ou le plus jazz « Friki Serenata ». Les mélodies sont toujours impeccables, millimétrées et pleines de poésie. « Sardana Mecanica » est aussi un bel exemple de ce mélange des genres réussi, avec sa rythmique dense et complexe, très contemporaine, mais soutenant une fois encore un accordéon à la mélodie parfaite. On pense parfois aux américains de Beirut dans le métissage des sonorités, mais surtout au touche-à-tout canadien Chilly Gonzales dans cette manière de triturer les styles, de jouer avec les codes musicaux.

La particularité de « Pianista Del Antifaz », c’ est d’être facile à écouter, mais difficile à décrire tant le mélange des genres, entre jazz, tango, pop, rock… est grand. Il en ressort pourtant un tout ultra-cohérent et résolument optimiste porté par la virtuosité de musicien/arrangeur de Pascal Comelade, et baignant dans une douce lumière qui fait un bien fou. Un album à recommander en ces temps pluvieux.

Marty Tobin
marty.tobin@quai-baco.com