/// CHRONIQUES
Date d'ajout : 02-12-12

Mylène Farmer – « Monkey Me »

« Monkey me », 9ème album studio de l’artiste, est sans doute l’un des albums les plus attendus de l’année. Mylène Farmer sait se faire désirer.

L’impatience que suscite la sortie d’un nouvel opus et l’annonce d’une nouvelle tournée de Mylène Farmer font partie d’une stratégie commerciale bien rodée. Quitte parfois à en oublier l’essentiel.

On cerne assez rapidement le problème avec le morceau d’ouverture « Elle a dit » : la voix. Au départ j’ai envisagé un problème avec mon lecteur qui, prit de nostalgie des 33 tours, lirait mon CD au ralenti, rendant la voix légèrement tordue et androgyne. Non. Ensuite, j’ai vérifié de ne pas avoir inséré par erreur le dernier single de Christophe Willem. Non plus. Il m’a fallu me rendre à l’évidence : Mylène Farmer a de réels problèmes de justesse. Sa voix est rendue méconnaissable par l’utilisation abusive de l’autotune et autres corrections numériques. Certains feront passer ça pour un choix pseudo-artistique délibéré façon Cher. Admettons…

Mylène Farmer "Monkey Me" - Quai BacoUne fois digéré le fait d’être face à un Cyborg chantant (« A force de… »), concentrons-nous sur la musique. On retrouve bien évidemment Laurent Boutonnat aux manettes, et je l’avoue, dès les premières notes de « Elle a dit », la nostalgie me gagne. Me voilà plongé dans mes années « Hit Machine » avec Charly et Lulu, des basses synthés en contretemps à la manière de Kylie Minogue, des pianos midi en rythmique house/dance de chez Bontempi, des grosses nappes, des cymbales passées à l’envers, un régal pour l’ancien fan des Worlds Apart que je suis.

C’est d’ailleurs la ligne musicale choisie pour tout cet album.

« A l’ombre » débarque avec son intro jouée au klaxon Fisherprice (et pompée sur « Alors on danse » de Stromae) et c’est un déluge d’effets 90’s qui s’abat : montée de caisse claire à la « Barbie Girl », synthés empruntés à Dr Alban…le petit Laurent s’est bien amusé dans sa chambre. Accessoirement, la mélodie est assez quelconque. Dommage pour un premier single.

Arrive « Monkey me » et, ouf, ça s’améliore un peu. La mélodie, bien qu’entendue 1000 fois, est plutôt bonne. Quelques guitares rock mêlées à des cloches, le changement de ton qui lance le refrain, et du jamais vu, une phrase répétée en écho avec un effet téléphone : tout y est pour en faire un single en puissance. La vraie bonne idée de ce morceau, c’est quand même le solo de saxophone en harmonie avec des cloches. C’est très fin, ça se mange sans faim…

« Ici-bas » pourrait aussi prétendre au titre de single, mais plus orienté kermesse de maternelles. Mylène se la joue « Dora l’exploratrice » avec une mélodie, des arrangements et des paroles qui raviront les plus petits.

Profitons de « Si tu ne le dis pas » pour évoquer les textes : globalement, on reste en terrain connu, avec la mort, la séparation… Des thèmes qui respirent la joie de vivre à travers des titres comme « A l’ombre », « Nuit d’hiver », « J’ai essayé de vivre ». C’est rose bonbon et ça pétille en bouche. Comme toujours on frôle le « Vice et Versa » des inoubliables Tranxen 200, mais Mylène Farmer reste fidèle à elle-même. Un bon point.

Passons rapidement sur « Love Dance », sans doute la plus grosse erreur de ce disque. Texte ridicule mi-anglais, mi-français, refrain en « lalala », le tout agrémenté d’une abominable soupe techno/dance. A coup sûr un tube destiné au stand auto-tamponneuses de la fête à Neu-Neu.

« J’ai essayé de vivre » ne s’en sort pas beaucoup mieux malgré la louable tentative d’introduire une guitare acoustique plus pop. Mais étonnamment, la combinaison avec le riff de synthé issu d’une compil « Thunderdome » ne marche pas, et c’est vraiment dommage car la mélodie initiale n’était pas si mauvaise.

« Quand » est la première ballade de cet album. Formatée pour être aimée par les fans, elle fonctionne plutôt bien, mais Laurent Boutonnat arrive encore une fois à nous refourguer sa soupe froide de synthétiseurs. Cerise sur le gâteau, nous avons à nouveau droit à un solo de saxophone, et on comprends mieux pourquoi cet instrument a disparu de la pop depuis quelques années : c’est kitsch et ringard à souhait. On avait pas entendu ça depuis « Un soir de pluie » de Blues trottoir en 1987.

Deuxième chanson calme, « A t’on jamais » qui plaira sans doute par son côté plus posé et ses « yeah yeah » et « alleluja » (avec effet téléphone bien sûr), faciles à reprendre en concert. « Je te dis tout », ballade de fin d’album est du même acabit.

Arrive « Nuit d’hiver » et son improbable mélange de chants grégoriens et de baleines. Il fallait oser, et effectivement le texte et la voix de Mylène Farmer se prêtaient idéalement à quelque chose de décalé, mais n’est pas Eric Serra qui veut, et la sauce à du mal à prendre. Pourtant on tend par moment vers le Kraftwerk et l’idée de partir dans l’ambiance « Alice au pays des merveilles » façon Tim Burton n’est pas mauvaise. Mais tout comme le film du réalisateur américain, c’est raté.

Terminons tout de même sur une note positive : avec cet album, les chances pour la France de gagner l’Eurovision sont à nouveau réelles. Mylène à largement le niveau pour se trémousser en bas-résilles noirs avec 3 danseurs torses nus, et musicalement, ce « Monkey me » n’a finalement rien à envier à de l’eurodance suédois. Vivement la tournée.

Plus sérieusement, on peut comparer la carrière de Mylène Farmer à celle d’Indochine. Avec des débuts assez communs, on se rend compte à travers ce « Monkey me », des voies différentes empruntées par chacun. Là où Indochine a su gérer le difficile virage musical des années 2000 en se renouvelant (prenant le risque de se planter commercialement), Mylène Farmer a fait l’inverse en privilégiant l’aspect commercial et la gestion de patrimoine plutôt qu’un renouveau musical. Ce « Monkey me » est resté coincé dans les années 90, mais sans la flamme qui pouvait animer Mylène à cette époque. On est très loin de la qualité de « Innamoramento » par exemple. Laurent Boutonnat n’est sans doute pas pour rien dans cette stagnation musicale qui donne plus l’impression d’une Mylène Farmer enlisée dans une musique dont elle ne peut se défaire.

Force est de constater que d’un point de vue strictement musical, cet album est décevant. Il plaira peut-être aux trentenaires nostalgiques de leurs samedis soirs d’antan. Les fans arriveront sans doute à s’auto-convaincre que cet album est « le meilleur de Mylèèènnnne!!! », à force de multiples écoutes et de matraquages publicitaires sur TF1. Mais au fond, on sait tous que Mylène Farmer a fait mieux et est capable de beaucoup plus. Next!

Marty Tobin
marty.tobin@quai-baco.com


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