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Date d'ajout : 31-10-12

La Compagnie Créole – « En bonne compagnie »

Chronique Compagnie Créole - Quai Baco
La Compagnie Créole a fait son retour dans les bacs début octobre avec « En bonne compagnie », un disque de reprises de ses plus grands tubes. Le tout ré-enregistré et remis au goût du jour, en collaboration avec des artistes de la jeune génération, tels que Colonel Reyel et Moussier Tombola.

Ces derniers temps, s’il y a un débat qui divise, c’est bien le « pour ou contre la sortie du nouvel opus de la Compagnie Créole ». En se penchant de plus près sur « En Bonne compagnie », on comprend tout de suite mieux le pourquoi du comment de la polémique.

En Mauvaise Compagnie

Le disque commence par une reprise assez étrange de « C’est bon pour le moral » avec Moussier Tombola. Ce qui est pour le moins déstabilisant pour quelqu’un qui, comme moi, a été élevé avec ce tube. J’ai alors réalisé qu’on était en 2012. Imaginer que les plus jeunes vont grandir avec ça, me perturbe énormément. Tant qu’à donner dans l’humour, pourquoi la Compagnie n’a t-elle pas envisagé de faire appel à Vincent Delerm pour venir chanter sur « C’est bon pour le moral » ?

Compagnie Créole - Quai BacoS’en suit le fameux « Au bal masqué » featuring Colonel Reyel et Lynnsha. Un massacre. Ca sonne creux, c’est formaté. Les rythmiques électros, la surenchère d’effets flanger, chorus et autres clichés de la musique moderne sont un sacrilège pour un tel monument de la chanson créole.

A ce moment de l’écoute je me dis que c’en est trop, que ces deux titres constituent à eux seuls une véritable offense au fan de la Compagnie Créole que je suis.

Je décide néanmoins de continuer mon écoute. Au risque de renier un de mes groupes favoris. Comme je l’avais fait quand Chico et les Gypsy Kings avaient sorti un énième best of de reprises réchauffées en duo avec Florent Pagny ou Sofia de la Star Ac’.

Attristé, je passe directement à la frissonnante « Aie A Moun », magnifique chanson qui m’a toujours donné la chair de poule. Mais ça, c’était avant que Yves Larock, un DJ suisse, ait la mauvaise idée de la remixer en version dance club de province. On ne peut décidément pas faire ça impunément, auquel cas, c’est la porte ouverte à toutes les dérives. Je décide de me calmer en réécoutant l’originale. Sublime.

En Bonne Compagnie

Fort heureusement il existe quelques bonnes raisons d’aimer cet album. Parce qu’en premier lieu, la Compagnie Créole, c’est plus de 30 ans de chansons et 60 millions de disques vendus (selon Universal). Les chiffres parlent d’eux mêmes. Autant vous dire tout de suite que la carrière de Lady Gaga semble bien ridicule à côté de celle des pionniers du zouk de salle des fêtes. Une telle carrière impose le respect s’il vous plait.

De plus, existe-t-il une personne dans ce pays qui n’a jamais dansé sur le classique « Ca fait rire les oiseaux » ? Anniversaire, mariage, bar mitzvah ou encore fête de l’oignon, la Compagnie Créole est à la fête ce que Jacques Brel est à la chanson à texte : un incontournable. D’ailleurs, pour les festivités, la Compagnie ne s’est pas trompée dans le casting puisqu’on a le droit à un authentique remix en duo avec Patrick Sébastien. Sans oublier Hugues Aufray, dans la liste des collaborations intéressantes de cet album, qui vient enrichir « Le douanier Rousseau » de sa poésie.

Si l’album est essentiellement composé de reprises de tubes ayant fait la gloire du groupe, la Compagnie nous offre cependant 3 inédits. Ou plutôt deux, car « Ca ira mieux », hymne à l’optimisme dans lequel nos joyeux antillais racontent leur léger passage à vide, est présenté comme un inédit mais était en fait déjà présent sur leur dernier album « O ! Oh ! Obama! ». Album injustement passé inaperçu.

En revanche, « Avancé Pas Tchil » est un véritable inédit. Un savant mélange entre zumba, salsa et chacha. Des rythmes latinos tout de suite entrainant, cuivres, solo de percussions et de claviers, riffs d’accordéon MIDI. Le tout donne un excellent titre qui résume à lui seul toute la philosophie de la Compagnie Créole « Et même si ton moral est de couleur morose. Rejoins la Compagnie et vois la vie en rose ». Magique.

Dernier inédit, et pas des moindres, puisque qu’il s’agit du meilleur morceau de tout l’album: « La Loi Bon Dié », seule chanson plus ou moins acoustique au milieu de ce pêle-mêle électronique. Percussions, accordéon, guitare acoustique et basse relativement discrète. Un titre qui se rapproche du traditionnel Biguine des Antilles. Chanté en Créole s’il vous plait. Ce qui hélas m’a empêché de saisir toute la subtilité et la quintessence des paroles. Mais finalement n’est ce pas mieux ainsi ?

Etant donné qu’à chaque évocation du philosophe Rousseau, une force inconsciente me pousse à penser au douanier, ma conclusion sera donc totalement subjective. La Compagnie Créole a, certes, légèrement perdu de sa superbe et de son authenticité, mais je suis prêt à tout leur pardonner. Même un feat avec Colonel Reyel.

Les puristes, en revanche, auront certainement du mal à digérer les différentes collaborations, si ce n’est avec Patrick Sébastien.

Finalement, le problème sur ce disque, ce sont les artistes invités qui sont mal choisis. A plus de 60 ans, les membres de la Compagnie n’ont plus la fougue de leur 30 ans ni cette originalité qui a fait leur succès. Mais ils ont au moins le mérite de démontrer la différence flagrante entre eux et la nouvelle génération. Cela prouve ainsi l’incapacité créatrice de cette soit disant « nouvelle génération ».

D’ailleurs je me demande si, en réalité, tout ça n’est pas calculé de la part de la Compagnie Créole…

Jérémy Chauquet 


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