/// CHRONIQUES
Date d'ajout : 04-09-18

Idles – « Joy as an act of Resistance »

Bristol, ville du trip-hop par excellence, sera-t-elle de nouveau le centre du monde de l’industrie musicale d’ici quelques années ? C’est ce que nous pourrions penser avec l’arrivée de Idles et leur deuxième album brutal et salvateur. Tournant depuis 8 ans en Angleterre, Idles a construit sa légende progressivement, sans brûler les étapes. Le résultat est un groupe ayant les pieds sur terre et la tête dans un rock qu’ils réinventent de bout en bout dans un mélange punk aux constructions folles. On est de suite emporté par cette vague immense, soudaine et follement joyeuse.

Idles - « Joy as an act of Resistance » : La chroniqueDès « Colossus », les Anglais nous font entrer dans leur univers graisseux au rock puissant. Jouant sur une monotonie granuleuse dans un premier couplet à la puissance sous jacente, ils nous transportent dans un rock tranchant à l’instrumentation lourde et entière qui ne laisse pas indifférent. Il y a chez Idles une volonté de jouer avec les frontières du rock et de la power pop voire du metal dans un premier titre envoyant clairement du bois. Sans jamais vraiment décoller, le titre bruisse de milles feux au travers d’une instrumentation à la puissance rock et au coté sauvage très appréciable. Multipliant les prises de son et les sonorités englobantes, ils atteignent un climax qu’ils se plaisent aussitôt à détruire avec un sens rare de la mise en scène pour revenir plus violents et secs cette fois dans une sorte de punk rock plein d’une énergie dévastatrice.

Ainsi est Idles, plein de contradictions et en même temps extrêmement humain dans leurs choix de structure, dans leurs sonorités qui nous agrippent et ne nous laissent pas indemne. Écrasant de leur puissance, le rock d’Idles se joue des modes pour mieux proposer une approche unique et décoiffante. Préparant le terrain avec violence et profusion, les Anglais nous entraînent dans un univers à la noirceur grasse et violente que l’on se plait à suivre de la tête dans un headbanging que n’aurait pas renier les fans de metal « Never fight a man with a perm ». Dénonçant la violence d’une société actuelle, les Anglais transforment chaque titre en un hymne du quotidien.

Assumant leur approche rock, Idles déboulent avec une musique à la puissance dynamique et au dansant ludique « I’m Scum ». Sorte d’héritiers nerveux de groupes comme « The Libertines » ou « Puppets… », les Anglais vont un peu plus loin reprenant cette approche sans contrainte et en y ajoutant une fougue et quotidien là où Pete Doherty se définissait dans la nonchalance et la poésie. S’amusant de mélodies courtes, jouant sur cette approche très chanson à boire, les anglais dévergondent un rock qui au fil des années s’émoussait doucement.

À l’image du très bon « Danny Nedelko », chez les anglais les basses vrombissent, les voix se font révoltées et les guitares semblent hurler pour un rendu qui nous change de la tranquillité d’une pop devenue au fil des années de plus en plus standardisée. Une fois encore, Idles puise dans le melodisme un refrain extrêmement accrocheur qui nous entraîne vers les contrées d’un rock sans concession. Chez les Anglais tout est rock, de la mélodie à ces guitares qui ne cessent de hurler en rythme. Noir, sombre et ludique, la musique de Idles personnalise à elle seule la vitalité d’un rock populaire et brutal dans un écrin à l’intelligence rare posant les bonnes questions d’une société à la dérive. 

Sur un background au rock osseux et grandiloquent, les Idles se définissent en porteur d’un rock découpé et intransigeant jouant sur une atmosphère lourde et ronde qui ne cesse de nous obséder. Avec un sens de construction que l’on retrouve plutôt dans la pop, les Anglais bâtissent des titres en forme de patchwork qui nous surprennent à chaque reprise. Batterie au rythme soutenu et à la nuance inexistante, voix granuleuse et véhémente, basse claquante proche du slap et guitares nerveuses, tout cela marque le style sans concession d’un groupe ayant bourlingué de bars en fêtes sans jamais perdre cette flamme qui les anime. Béatifiant une musique du quotidien avec pertinence, Idles raconte la violence d’un monde bruyant où les sentiments se font exacerbés, les hommes pleurent, se plaignent, vitupèrent mais gardent à chaque fois leur dignité grâce à une sincérité hors norme et diablement touchante. Un très grand album!

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com


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