C’est un album de la reconstruction que nous propose Aime Simone. Victime très jeune de harcèlement, puis développant un stress post traumatique, la vie du français ne fut pas rose. Pourtant, c’est un folk éclatant et lumineux mêlé à une électro sobre qu’il réussit à nous proposer sur un premier album superbement produit. Avec un tact impressionnant et une classe rare, le français exilé à Berlin nous bluffe de son talent sur cet album intitulé « Say Yes, Say No ».

C’est dans un écrin à la folk lumineuse que le français nous donne rendez-vous sur un premier titre « Everything’s Changing » sorte de mélange incandescent de plusieurs styles. Avec une approche unique, Aime Simone dessine une musique syncopée dans une folk sobre et éclatante. Rappelant dans son phrasé un Pete Doherty, il réussit à bousculer le format folk pour mieux nous emporter dans une musique feutrée et rageuse. On se laisse prendre au jeu de cette composition qu’il habite de ses envolées vocales. Multipliant les bonnes idées dans un tout à la sobriété ravageuse, il construit ses morceaux de folk comme on construit des morceaux de rock avec la même énergie et cette urgence dans l’instrumentation qui donne au tout une puissance sous-jacente impressionnante.

Cette urgence, c’est son expérience aussi bien à l’hôpital pour soigner son syndrome post traumatique que sur les podiums dans le cadre de son mannequinat qu’Aime Simone l’a glanée et mise en musique avec un soin particulier pour la mise en scène instrumentale. Sur le très bon « In this Dark Time » on se laisse clairement emporter par l’énergie qu’il dégage qui donne à voir un artiste entier se lançant dans une folk rock théâtralisée. Avec un flow léger et entrainant, le berlinois d’adoption transforme l’essai sur ce titre qui n’en finit pas de nous emporter dans une sorte de transe électro folk dont on ne sort pas indemne. Travaillant avec soin une matière sobre et pointue, il dessine une instrumentation précise qui fonctionne à merveille. On est vite hypnotisé par sa capacité à nous capter de son aura. Avec un charisme surprenant, il ouvre la voie à un folk transformé qui fonctionne extrêmement bien.

Le folk d’Aime Simone nous fait frissonner de sa matière et de sa personnalité. Il y a dans la musique du français toujours cette approche tortueuse. On ressent derrière la sobriété lumineuse une sorte de rock tranchant qui ne dit pas son nom mais qui tapi dans l’ombre n’attend qu’un signe pour surgir « Strange Inside ». On est plongé avec rudesse dans le bain bouillonnant de cette électro folk qui n’en finit pas de nous enivrer. Avec un rythme mat et un fil mélodique élaboré, le français se joue de la hauteur et tel un équilibriste réussit à nous impressionner de ses acrobaties lentes et hypnotisantes.

La noirceur, voire le désespoir qui pointe sur ces différents titres donne à voir un artiste qui nous subjugue de son imagination, de ses expériences. Avec un tact certain, il esquisse un rock feutré et un folk enragé dans une instrumentation toujours exsangue qui nous rappelle Pete Doherty solo. De sa voix ronde, Aime Simone emplit l’air de ses mélodies puissantes. Tel un souffle, il balaie sur son passage tous les préjugés du folk en mélangeant dans des compositions travaillées un folk sobre et un rock nerveux pour un rendu classe et tranchant. On se laisse prendre au jeu de cette musique qui n’en finit pas de nous projeter dans un univers monochrome aux ombres chancelante.

Cette musique ne ressemble à aucune autre et semble personnifier cet artiste torturé et lumineux. Jouant de sa voix pleine et entière, Aime Simone occupe l’espace avec une singularité et une élégance sobre. Il y a une sorte de brutalité fine dans cette musique travaillant avec justesse délié et moments plus rustres dans un tout captivant à la première écoute. Monochrome sur ses arrangements, le français aspire à nous proposer une musique au minimalisme fournie et à la sobriété éclatante. Les voix traînent et se mélangent dans un concert extrêmement bien chorégraphié. Avec une souplesse rare, Aime Simone dessine sa propre musique dans une sorte d’approche unique et diablement addictive.

Arnaud Le Tillau
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