Eels – « Extreme Witchcraft » : La Chronique

Tout juste 1 an après son magnifique « Earth To Dora » , Eels nous revient plus rock que jamais dans un nouvel album intitulé « Extreme Witchcraft ». Aidé du génialissime John Parish guitariste de PJ Harvey, le californien nous offre un opus bruyant et sans concession rappelant le très bon « Souljacker » (qui lui aussi avait été réalisé avec John Parish). Dans un mélange de mélancolie et de rock aux sonorités saturées, Eels nous enivre de son talent hors norme sur un album à la rudesse mélodique.

Ouvrant les hostilités sur le très bon « Amateur Hour », Eels pose de suite le décor de ce nouvel album. Puissant, aux guitares saturées et diablement agencées, la musique du californien nous traine dans un rock lumineux aux saturations toujours aussi fines et entrainantes. Sorte de rockabilly trash ce premier titre dessine un Eels dans une sorte de retour aux sources. Cela est confirmé de suite par le single « Good Night On Earth » aux sonorités jumelles de « SoulJacker part I ». Dans une composition brute et diablement addictive, Eels nous transporte dans un rock dansant à l’esthétique toujours aussi précis mélange de pop mélancolique et de rock tranchant.

Il y a dans la musique de l’américain une ode à ces périodes passées allant des 50’s au 70’s. Dans un univers qu’il maîtrise à la perfection, le californien se plait à injecter sa vision d’une mélancolie qu’il assume parfaitement. Utilisant des sonorités de bases très reconnaissables (comme sur « Steam Engine » avec les toms très 70’s) il esquisse une musique rappelant un blues rock d’une époque bénie. Avec une approche très soul, Eels travaille ses sons comme autant de madeleines de Proust le ramenant à l’époque de ses parents et d’une Amérique rêvée. Dans une complexité qu’il ne cesse de revendiquer sur un titre comme « Stumbling Bee » au background très freestyle rock, Eels prend un chemin de traverse pour mieux éprouver son style.

Loin de faire dans la facilité « Grandfather Clock Strikes Twelve », cet album est l’occasion pour le californien de se remettre en question dans un ensemble de titres parfois à la limite de l’expérimentation mais toujours dans une sonorités à la mélancolie longue et enveloppante. On est d’abord étonné par ce parti pris qui au fil des écoutes apparait vite comme une évidence. Eels nous prend à rebrousse poil pour nous emmener dans son univers via une musique qu’il réussit à transformer sans se mentir.

Une fois encore sur des titres comme « The Magic » ou «Better Living Through Desperation » c’est le riff qui fait tout le sel de cette musique aux accents rock, blues et soul. Dans un mood qui n’appartient qu’à lui, Eels réussit à nous enivrer de compositions puissante et bordéliques qui multiplient les parties pour mieux nous entrainer dans une musique que l’on se plait à découvrir. Cultivant un stylisme et une prise de risque constante, il produit un album qui ne laissera pas indifférent. Avec cet album Eels cherche à creuser une nouvelle facette de sa musique et réussit à nous proposer quelque chose qui nous bouscule et dans lequel on retrouve les fondamentaux de l’artiste.

Les sonorités saturées d’une guitare qui a fait sa renommée est ici une fois de plus l’élément fédérateur de « Extreme Witchcraft » qui voit le californien enchaîner les riffs tous plus addictifs les uns que les autres. Eels nous scotche de sa puissance sonore dans des titres cumulants rock, blues et expérimentation. S’amusant de ses répétitions tout en gardant un flow très précis, il teste, travaille , étire, tord et déforme sa musique pour arriver à ses fins. A une époque où la prise de risque est bien souvent évitée pour suivre une approche commerciale à court terme, Eels apparait comme un mercenaire toujours autant capable de faire évoluer son style pour notre plus grand plaisir. Avec ce nouvel album, Eels se pose en créateur et non en rentier d’un style qu’il a façonné tout au long de sa carrière.