« La Tournure des Choses » ne fait que confirmer ce que l’on savait déjà : Clarika occupe une place à part dans la chanson française.

Musicalement, avec ce nouvel album, on reste en terrain connu. On oscille entre pop à tendance rock assez sage, et ballades plus posées. Mais l’impression globale qui se dégage surtout de cet album, c’est une ambiance assez noire, voir pessimiste, et finalement juste réaliste sur le monde qui nous entoure. car la grande force de cet album, ce sont les textes.

Avec Clarika, on est très loin de la nouvelle chanson française qui nous narre régulièrement les petits malheurs du quotidien. Ici, pas de « j’aime pas le matin » ou de chanson sur les chauffeurs de taxi désagréables. D’entrée avec le titre « La Tournure des Choses », le décor est planté : des questionnements sur la vie en général, mais que chacun peut se poser, le tout porté par une bonne mélodie tournante et la voix immédiatement identifiable de Clarika. Cette voix si particulière, un peu plaintive, que l’on peut trouver usante sur certains morceaux, mais qui fait partie intégrante de son charme.

Les titres suivants restent dans la même ambiance générale : « Oualou », et surtout « Sumangali » sont des textes superbement écrits et efficaces, toujours assez noirs, mais avec une pointe d’humour et de second degré qui fait la différence. Les mélodies pop restent en tête sans difficulté : tout ça coule avec aisance tout en faisant taper du pied, et en abordant des thèmes parfois difficiles à mettre en musique, preuve de la grande expérience et du talent de Clarika.

Le meilleur exemple est sans doute « Je suis bad » avec son texte a la fois drôle et déprimant à souhait, et son superbe refrain à mélodie montante, puis sa partie « slamée » où Clarika fait sonner les mots avec une classe rare dans le paysage musical français.

Ça on le savait déjà, l’humour fait parti intégrante de l’écriture de Clarika : on retrouve bien entendu cette « patte » disséminée dans tout l’album, mais aussi certains titres plus légers comme « Robbie », message ouvert à Robbie Williams, ou « Fais moi mâle », jolie ballade assez standard, plus anecdotique.

Même remarque pour « C’était mieux » : la thématique de l’ironie sur la nostalgie du temps passé n’est plus une idée très nouvelle (Vincent Delerm entre autre), même si elle est ici traitée avec humour. C’est d’ailleurs un souci qu’on retrouve dans l’arrangement, et ce sur plusieurs titres. Une impression d’accompagnements déjà un peu entendus, qui manquent parfois de surprises. Les rythmiques de guitares sont efficaces sans être très surprenantes, les batteries restent dans un esprit soft rock des années 90’s et les ballades tournent souvent autour du standard arpège de piano ou guitare/cordes et violoncelle, et ce, malgré quelques touches électroniques trop discrètes. On imagine des arrangements plus sophistiqués ou un peu plus modernes, à la manière d’un Danger Mouse qui sublime la pop de Norah Jones sur « Little Broken Hearts ».

Malgré cela, « La Tournure des Choses » est un album d’un niveau qui se fait rare dans les productions de pop française actuelle, et cela grâce à des textes et des mélodies de grande qualité. Clarika continue de creuser son sillon unique, pourvu que ça dure.

Marty Tobin
marty.tobin@quai-baco.com