Pink Floyd – « The Endless River »
Il y’a quelques mois, parler d’un nouvel album de Pink Floyd paraissait une chose impossible. Rien que pour cette raison, ce «The Endless River » sorti de nul part revêt un caractère exceptionnel. Peut-on en dire autant du contenu? Peut-être pas. Pourtant cette rivière sans fin possède un attrait quasi-hypnotique qui va au-delà d’une simple suite de chansons. La magie de Pink Floyd opère donc une dernière fois.
Ce nouvel et dernier album de Pink Floyd, qui se veut être un hommage à Richard Wright, le clavier emblématique du groupe décédé en 2008, est en parti composé d’enregistrements d’anciennes sessions de 1993 pour The Division Bell, et ça se sent. Des sonorités souvent tournées vers les 90’s (« Louder Than Words »), des titres voisins de « The Division Bell » (un peu de « Marooned » par ici, du « Take It Back » dans « Night Light », du « Keep Talking » dans « Talkin’ Hawkin’ »…) : les points communs sont nombreux. Cet aspect « chutes de studio », démos ou faces B perdues est bien vite oublié tant David Gilmour a été malin, et a joué de ces similitudes.
En effet, « The Endless River » se veut un clin d’œil géant au passé musical du groupe, un résumé global de 50 années de rock progressif et psychédélique. Les références piochant dans toute la discographie du groupe sont innombrables, comme si les belges de 2 Many DJ’s avaient remixé l’ensemble de la carrière du groupe en 50 minutes.
Un mashup géant sous forme de jeu de piste qui occupera les fans pendant de longues années… « It’s What We Do », c’est un peu « Cluster One » Vs « Shine On Your Crazy Diamonds » Vs « Red Sky at Night » du dernier Gilmour, « Skins » et ses hélicos sorties de « The Wall », « Allons-y » et son riff emprunté à « Run Like Hell ». Les périodes plus anciennes ne sont pas en reste : « Autumn ’68 », évident clin d’œil au « Summer ’68 « de « Atom Heart Mother », l’intro de « Skins » en référence au « Time » de « Dark Side of The Moon », et plus globalement une structure façon vinyle, découpée en 4 parties distinctes, elles-mêmes formées par des introductions, transitions et parties instrumentales bien loin du format « chanson » quasi-systématique de nos jours… Impossible de citer toutes les références tant celles-si sont nombreuses.
Et la musique dans tout ça? Forcément, l’aspect « patchwork » se ressent légèrement. Sur « It’s What We Do » ou « Anisina », on attend une voix qui ne démarre jamais. Inversement, après 18 « morceaux » on regrette presque la présence de la seule lead vocal de l’album sur « Louder Than Words ».
Malgré cela, le résultat est étonnamment cohérent, avec 4 parties aux ambiances bien distinctes. Le tout tient la route de belle manière, avec de vrais beaux moments comme « Sum » et un Mason survolté derrière sa batterie, ou bien « Anisina », un peu consensuel mais superbement planant et mélodique. « Talkin’ Hawkin’ » dégage une puissance incroyable. « Autumn ’68 » et son orgue de cathédrale feront hérisser les poils de tout les aficionados de « Saucerful of secrets ».
On oublie vite l’impression de « déjà vu » pour se laisser porter pas l’émotion que dégage la guitare toujours aussi magique de David Gilmour. Ce dernier nous fait oublier son somnolant « On an Island », et pas la même occasion « The Division Bell » et « A Momentary Lapse of Reason », les deux derniers albums en date de Pink Floyd. Laissons les autres dans la légende, c’est déjà un bel exploit.
« The Endless River » marque de belle manière la fin de Pink Floyd. A la fois incroyablement complexe et étonnamment abordable, ce dernier opus se veut finement pensé et complètement hors des normes actuelles en matière d’album. Alternant entre subtilités cachées, morceaux de bravoure typiquement floydiens et sonorités bien connues qui, sans risque, raviront les fans, on se dit que Richard Wright ne pouvait rêver meilleur hommage.
Marty Tobin
marty.tobin@quai-baco.com
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