/// CHRONIQUES
Date d'ajout : 18-10-19

Pierre Lapointe – « Pour déjouer l’ennui »

Pierre Lapointe n’en fini plus de nous étonner, après un fabuleux « La science du cœur » puis un non moins très bon « Les beaux sans coeur » , il nous revient pour la 3ème fois en 2 ans dans un nouvel album intitulé « Pour déjouer l’ennui » .  Produit en grande partie par le français Albin de la Simone, ce nouvel opus révèle un canadien plus doux dans un écrin tout en rondeur. Travaillant un peu plus sa posture de chanteur francophone, il nous enivre de ses textes ciselés glissant parfois un peu dans une approche un peu trop consensuelle. Le tout reste excellemment bien tourné pour qui aime cette variété française de qualité.

Pierre Lapointe - "Pour déjouer l'ennui" : La chronique

Ouvrant le bal avec le magnifique « Tatouage » en forme de folk pop acoustique rappelant beaucoup Norah Jones, Pierre Lapointe nous souffle de sa mélodie. Dans une chanson qu’y apparaît de suite comme un classique, le québécois transforme une fois de plus quelques accords en un hymne à la chanson française. En recherche constante de sens le canadien cherche sur chaque album à se renouveler en ayant en ligne de mire cette chanson française des années 60 – 70 qu’il adule. 

Aidé d’Hubert Lenoir, sur « Déjouer l’ennui » titre phare de cet album, Pierre Lapointe donne à voir un résumé assez précis de son approche musicale. Excessivement sobre, presque monotone, on se laisse enivrer de cette ritournelle touchante qui progressivement prend de l’ampleur et nous laisse chamboulé. Transpirant un talent hors norme Pierre Lapointe avec Hubert Lenoir nous pousse dans une composition folle aux background vibrant. Ce titre réussit à personnifier complètement un ennui qui au fur et à mesure disparaît. En effet, jouant avec une instrumentation pleine de détails, Pierre Lapointe nous transmet une sorte de monotonie qui s’efface au gré d’une composition intelligemment menée. 

Chez Pierre Lapointe les déboires amoureux tiennent comme à chaque fois le haut du pavé. Que cela soit sur « Un coeur qui saigne » ou « Amour Bohème » , le québécois dessine avec nuance et finesse une variété puissante et mélancolique qui sous l’instrumentation d’Albin de la Simone garde en lui une sorte de part d’enfance cachée. On aime de suite cette musique au feutré rond et aux rythmes doucement caribéens qui viennent secouer une prose magique. Pierre Lapointe habille ses compositions d’une douceur exhalante qui ne nous laisse pas indifférent. Dans une sobriété qui lui va étonnamment comme un gant, Pierre Lapointe nous transmet avec un sens de la mise en musique sans commune mesure, des compositions à la nudité enchanteresse.

Moins simple d’abord et plus complexe en terme d’attente que la Science du Coeur, ce nouvel album de Pierre Lapointe semble s’essouffler sur une fin d’opus en forme d’enfermement musical. En effet, bien que maîtrisant l’art du groove triste, Pierre Lapointe multiplie progressivement les musiques aux mélodies tortueuses et peu entêtantes. Las les textes se complexifient et les mélodies peinent à sortir du lot. Sur une base solide, Pierre Lapointe a du mal à convaincre de sa musicalité sur une fin d’album un peu dans la surenchère façon chanson française. On a cette impression d’un homme envouté par un style qu’il essaye d’approcher au plus prêt en y perdant sa personnalité propre.

Malgré une fin d’album un peu en deçà, au travers d’une instrumentation extrêmement travaillée, Pierre Lapointe touche du doigt une certaine universalité et produit une chanson française d’exception qui nous met la chair de poule à chaque mesure. Difficile de ne pas être attiré par le puit sans fond de créativité du canadien qui en quelques secondes nous transmet son amour de la langue française et sa mélancolie  qui ne cesse de nous bouleverser. La variété française n’est pas pour Pierre Lapointe un vain mot. Dessinant avec lyrisme une musique à la tristesse juste, le québécois apparaît depuis quelques années comme un pilier du genre. Adoubé par ses pères français, il les surpassent par cette façon de proposer une musique à la fois simple aux mélodies capiteuses. Esquissant un folk à la pop enlevée, Pierre Lapointe trouve son chemin dans un univers cette fois ci sobre et charnel, feutré et doux qui nous impressionne de sa maîtrise et de sa justesse.

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com


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