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Date d'ajout : 24-09-12

Oxmo Puccino – « Roi sans carrosse »

Chronique JC Oxmo Puccino - Quai Baco

« Roi sans carrosse » d’Oxmo Puccino, on aime ou on n’aime pas, mais le sixième album du rappeur parisien ne laisse personne indifférent. Pas assez brut de décoffrage ou oeuvre léchée d’un artiste accompli, chacun aura son avis sur cet opus tout sauf banal.

Oxmo, c’est un vieux de la vieille. Orelsan n’était pas encore monté à Paris que monsieur Puccino kickait déjà dans le 19ème arrondissement avec Pit Baccardi et le collectif Time Bomb. A l’époque, ce n’était pourtant pas évident de se faire un nom. Le rap était tout juste en train de se faire démocratiser par les coups de butoirs d’IAM et NTM. Alors, forcément, quand on parle d’Oxmo Puccino aujourd’hui, il y a beaucoup de respect.

Oxmo-Puccino-Roi-sans-carrosseIl y a du respect, mais il y a surtout une sacrée interrogation. Qu’est-ce qu’il en reste aujourd’hui du rappeur ? Oxmo a tellement élargi les frontières du genre qu’on ne sait plus très bien ce qu’il fait. De la chanson française ? Du slam ? De la variétoche ?

Les puristes lui reprochent de s’embourgeoiser, de s’éloigner de l’essence même du hip-hop. D’autres saluent cette ouverture d’esprit. A chacun son avis sur la question, reste qu’Oxmo le pionnier est la pauvre victime d’un débat qui dépasse sa personne.

Car finalement, ce débat, ça reste du vent. Un artiste, on ne le juge pas sur ses choix de vie. Ce qui compte, au final, c’est ce qu’il transmet au monde, son œuvre. Intéressons-nous donc un peu à cette nouvelle « œuvre » d’Oxmo Puccino, un sixième album baptisé « Roi sans carrosse ».

Inclassable

Je m’attendais à écouter un album de rap, j’ai été assez surpris. « Roi sans carrosse » est plutôt une sorte de melting-pot à la fusion des styles. Des notes de jazz sur « Pas ce soir », une connotation rock dans « Les gens de 72 », des cuivres par ici, des cordes par-là, Oxmo a su s’entourer de nombreux musiciens et proposer une partition de qualité. L’instru est vraiment bonne et on ne peut pas reprocher à quelqu’un de s’enrichir de nouvelles influences.

Niveau contenu, le ton est donné d’emblée par la première chanson : « Je suis heureux du mal que je n’ai pas fait ». Là, c’est clair, on est dans du rap conscient, positif. Les textes sont travaillés. Il n’y a pas de bling-bling ni de « Je suis le plus fort, les autres MC vous pouvez pas test ». Un bon point.

La suite de l’album est dans la même veine. Le problème, c’est le flow, la voix et l’émotion qui ressortent de tout ça. Ou plutôt, qui ne ressortent pas. « Le vide en soi », « Un an moins le quart », c’est lent, c’est mou et un mec semble réciter son devoir de français par-dessus l’instru.

Oui l’écriture est de qualité. Oui Oxmo mérite son surnom de Black Jacques Brel. N’empêche qu’il manque quelque chose. L’interprétation, c’est important bordel ! Ici, ça manque de poigne, de passion comme Brel savait si bien les transmettre.

Le déclin du roi

Je vais même aller plus loin en affirmant qu’Oxmo Puccino ne sait pas chanter. C’est criant de vérité dans « Roi sans carrosse », le dernier morceau de l’album du même nom. La musique appelle à un minimum de vocalises, mais Oxmo n’y parvient pas. Le pire, c’est qu’il essaie, mais on sent que ça coince. Il y a quelque chose d’un peu pathétique là-dedans qui vient terminer l’album sur une drôle d’impression.

Faut-il forcément avoir une belle voix pour chanter ? Non, Colonel Reyel en est la preuve. Gainsbourg aussi, mais lui savait écrire. C’est d’ailleurs ce qui l’a sauvé, un peu comme Oxmo Puccino. Les textes avant tout.

Aujourd’hui, si tu ne sais pas chanter, mais que tu as une belle plume, tu fais du slam et tu t’appelles Grand Corps Malade ou Abd al Malik. Tu vas à des soirées slam, tu fais un disque de slam et tu t’adresses à un public réceptif au slam. Dire que « Roi sans carrosse » est un album rap, c’est se foutre de la gueule des amateurs du genre qui attendent un peu plus qu’un beau texte récité comme une leçon de français.

Oxmo, c’est ça ton problème. Tu as évolué, mais ton public ne t’as pas suivi. Aujourd’hui tu t’adresses à de nouvelles oreilles, avec beaucoup de talent et de pertinence, mais tu as oublié sur la route ceux comme moi qui ne veulent pas de la fioriture qui entoure ton œuvre. Qu’importe les musiciens, qu’importe les figures de style, rien ne remplacera une bonne instru et un flow ravageur.

Jean-Christophe Pignol

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