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Date d'ajout : 08-06-13

Jenifer – « Ma déclaration »

Chronique Jenifer - Quai Baco
« Ma déclaration », c’est l’hommage de Jenifer à France Gall, qui n’avait a priori rien demandé. ça c’est le côté pile de la médaille. Le côté face, c’est le besoin urgent de sortir un album après le succès du télé-crochet « The Voice », et par la même occasion de surfer sur la vague des albums-hommage façon « Génération Goldman ». Pourquoi pas après tout. Michel Berger a composé quelques unes des plus belles mélodies de la variété française, l’idée est plutôt bonne. Les mélodies sont bien là, les mots aussi, en revanche, on assiste plus à un abattage en règle des fameux titres de France Gall qu’à une relecture travaillée et pensée. Normal de la part de Jenifer diront les plus malicieux…

Au niveau du choix des titres, rien de très surprenant. Les gros tubes sont tous là, que ce soit ceux des années 80 (« Ella, elle l’a », « Evidemment »…). ou ceux des années 60 (« Poupée de cire, poupée de son », « Laisse tomber les filles »). Tout l’intérêt de ces morceaux plus anciens résidait dans le charme délicieusement rétro de l’interprétation naïve de la jeune France Gall. Jenifer passe outre tout second degré et interprète consciencieusement des versions lisses et sans relief, anesthésiant tout le charme yéyé de ces belles années… On oscille entre jazzouille d’ascenseur et pop année 80 au groove sans âme digne d’un robot.

Des années 80, parlons-en. Jenifer réussi l’exploit de préserver l’aspect parfois vieillot des arrangements initiaux en y injectant une dose de mauvais goût issue tout droit des meilleurs disques de dance/électro/varietoche des temps modernes. On aurait aimé une relecture de « Samba Mambo » avec Magic System pour finir en feu d’artifice, mais tant pis.

Jenifer - Quai BacoSur « Ma déclaration », aucun cliché n’est oublié. On attaque très fort avec la grosse caisse « battement de coeur » d’« Evidemment » suivi d’un gros rythme pompier sur le refrain. Viens ensuite « Ella, elle l’a » dans une version « Boris, soirée disco » avec pêches de violons échappées de « Alexandria, Alexandra ». On pourrait se dire que ces arrangements sans finesse pourraient avoir le mérite de faire taper du pied les trentenaires du « Macumba Club », mais que nenni. Il se dégage une désagréable impression pataude et lourdingue de tout cela et l’on s’ennuie rapidement. N’est pas Nile Rodgers qui veut, et multiplier les strates de guitares funky ne suffisent pas à nous faire danser. Je recommande à Silvio Lisbonne, réalisateur de l’album, une petite écoute de Earth, Wind & Fire, où même à défaut, « Random Access Memories » de Daft Punk si il n’a que ça dans son lecteur mp3. ça sera toujours plus utile que Mylène Farmer, manifestement écouté à haute-dose.

Pourtant, ça démarre plutôt bien sur « Besoin d’amour » issu de Starmania. Petite guitare funky, montée de cordes… Puis bip-bip synthétiques, boîte à rythme et effets à gogo… et la voix de Jenifer. Non pas que l’ancienne star académicienne chante mal, bien au contraire. C’est très juste, très en place, mais systématiquement doublé, triplé, couvert de reverbs et de delays kitshissime et froid. Ajouté à cela trois tonnes d’autotune, la machine à chanter juste, et on obtient une soupe Liebieg réchauffée au micro-onde comme « Comment lui dire ». Du funky 80’s sans intérêt ou tout les arrangements sont des copier/coller du morceau précédent. On pense évidemment à « Danse » de Lorie, album de l’année 2012. Mêmes symptômes pour un résultat tout aussi affligeant, l’humilité en moins, et à ceci prêt que Lorie n’a jamais eu la prétention de rendre hommage à qui que ce soit…

Alors bien sûr, on retrouve les ballades aux arrangements plus standards, voir trop. « Si maman si » avec l’immuable trio voix/piano/cordes ou encore « Diego libre dans sa tête » en duo avec le groupe originaire de l’île de beauté, Chjami Aghjalesi. Des versions très proches des originaux au point qu’on se demande qu’elle est l’intérêt de telles reprises si c’est pour faire la même chose en moins bien et avec des polyphonies corses… D’ailleurs même remarque pour la pochette, qui semble être une copie ratée du « Little broken hearts » de Norah Jones…

Le summum est atteint sur « Ca balance pas mal à Paris », où la voix ronde de Michel Berger est remplacée par celle du sympathique Christophe Willem qui continue de se noyer dans un déluge d’effets vocaux venus de l’espace et une multitude de couches vocales qui enlève tout le côté groovy sympa de la chanson originale.

L’album se termine dans une apothéose pleine d’émotion en plastique avec « Message personnel » et son ambiance « Virgin suicides » de Air, mais pour supermarché. Au passage, c’est plutôt un titre de Françoise Hardy à l’origine. Mais il fallait sûrement 12 titres.

Fallait pas l’écouter me direz-vous. Sauf que, dans mes souvenirs de ces bonnes vieilles années 80’s, certains titres de France Gall me plaisaient. J’ai donc ressorti mon « France Gall, concert privé acoustique » et l’évidence était là, sous mes yeux. Oui, les chansons de France Gall sont de bonnes chansons, c’est juste les versions que nous offrent Jenifer qui sont mauvaises. Tel la toile de Magritte « Ceci n’est pas une pipe », cet album aurait pu s’appeler « Ceci n’est pas un hommage ». L’aspect extérieur est identique, mais sans le goût, ni la saveur, bref sans âme.

Marty Tobin
marty.tobin@quai-baco.com

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