/// CHRONIQUES
Date d'ajout : 25-06-13

Elodie Frégé – « Amuse-bouches »

Elodie Frégé à décidément une place à part dans la chanson française. C’est le sentiment que laisse «Amuse-bouches», album-concept vintage et sensuel assez détonnant, qui mérite vraiment qu’on s’y attarde, et cela même si tout n’est pas parfait…

Faire un album de chansons coquines et rétro, le tout porté par des arrangements bossa et jazzy à forte tendance brésilienne tout en préservant une dose de notre bonne vieille chanson française, le pari était osé. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que l’exercice est accompli avec brio.

Elodie Frégé use des rythmes aux influences sud-américaines, tout en y injectant la dose de modernité nécessaire pour ne pas tomber dans des sonorités éculées pour bar-lounge à l’ambiance tamisée. De belles nappes de synthétiseurs bien trouvées sur la fin de «La plage», les petites pêches électroniques sur «Pique-Nique sur la lune», la basse énorme de «Dans l’escalier» tout cela est superbement bien fait.

Elodie Frege - Quai BacoEt au-delà de toutes ces bonnes idées d’arrangements, c’est surtout la qualité mélodique qui saute aux oreilles. Encore une fois «Dans l’escalier» sort du lot, mais la cavalcade de «Ma bouche» ou encore le single «Comment t’appelles-tu ce matin?» démontre une qualité d’écriture indéniable. Même remarque pour le plus calme «Ta maladie», à la mélodie complexe, mais qui fait mouche sans difficulté. C’est fin, bien tourné et plus complexe que ça en a l’air. Du beau boulot. Sur «Mes bas», on sort l’accordéon pour un tango qui aurait pu être un simple exercice de style, mais un excellent refrain tout en subtilité emballe le morceau.

Pourtant à jouer sur le fil du rasoir, certains titres basculent du mauvais côté. «Ma langue au chat» et sa rhumba d’ascenseur en fait décidément trop. A trop vouloir jouer la carte des styles exotiques, le branchouille côtoie le ringard. A la réalisation, on retrouve Marc Collin du collectif Nouvelle Vague, et vu sous cet angle, on est pas surpris outre-mesure de la tournure de l’album.

Sur 90% de l’album, la recette fonctionne bien, mais à certains instants, la «bobo attitude» extrême reprend le dessus et lasse un peu, à l’image des deux reprises qui ponctuent cet «Amuse-bouches». «La fille qui fait Tchic Ti Tchi» de Gainsbourg s’en sors bien et sied à merveille à l’ex-staraccademicienne, en revanche «Tu veux ou tu veux pas» de Brigitte Bardot ne présente que très peu d’intérêt et s’embourbe dans ses percussions sans jamais trouver le rythme.

Enfin, dernier reproche à un album éminemment sympathique : le phrasé lancinant-érotico-sensuel d’Elodie Frégé est de circonstance, mais devient vite usant tant il est appuyé. Agréable sur un titre, il en devient usant sur tout un album, d’autant plus qu’aucun morceau n’échappe à ces soupirs trainants. Souvent appropriés mais parfois surjoués, les expressions lascives de la demoiselle auraient sans doute méritées un peu de nuances, d’autant plus que les textes et arrangements appuient déjà largement cette sensualité exacerbée. Point trop n’en faut…

Mais ne boudons pas notre plaisir. Tout bon album comporte de menus défauts, et cet «Amuse-bouches» est décidément un très bon album aux excellentes mélodies et aux arrangements ultra-travaillés. Un disque cohérent comme on en voit pas si souvent en chanson française, et qui fait plaisir à entendre. Contrairement à bon nombre de chanteuses françaises, Elodie Frégé démontre qu’elle est bien plus qu’une simple interprète. C’est une artiste à l’univers affirmé et qui sait s’entourer de belle manière pour parvenir à ses fins, et tant mieux pour nous.

Marty Tobin
marty.tobin@quai-baco.com

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