Les frères Ordonnez sont de retours. Deux ans après leur premier album, c’est au travers d’un 15 titres qu’ils nous reviennent. Artistes complets, leur jeunesse et leur dynamisme envahissent un « La Vraie Vie » traitant de leurs sujets de prédilections que sont la famille, les potes et leur nouvelle notoriété. Bigflo et Oli dessinent un rap frissonnant et diablement addictif ponctué d’une prose directe et touchante.

Il y a chez les toulousains cet amour inconditionnel de la musique qui se ressent sur tout l’album. Dans une sorte de conservatoire du rap, les français nous ouvrent les portes d’un rap brillant et humble qui se fait rare ces derniers temps. Avec ce premier titre ils continuent sur les traces de leur très bon premier album. Réglant leur compte avec un show business pourri aussi bien dans le rap que dans les autres styles musicaux, ils nous livrent un « La Vraie Vie » en forme de longue mise au point. Bigflo & Oli n’ont plus les yeux candides faces à un rap qu’ils érigent en modèle. Cette fois ci ils ne rigolent plus et dénoncent avec puissance et sans mièvrerie l’espoir perdu d’un style toujours aussi populaire.

Au travers d’un rap orchestral possédant une véritable matière musicale, ce « La Vraie Vie » cumule les bons points, ouvre le style à un auditoire plus novice sans perdre une once de puissance rap. Lucides sur leur époque (« Personne »), les français possèdent deux facettes qu’ils mettent à contribution dans des titres soit pleins d’espérance soit emplis d’une tristesse noire et collante. Toujours justes et réalistes, ils dessinent une époque où l’humain peut être à la fois plein de bienveillance et violent. Les français résument dans des morceaux aux textes ciselés les espoirs déçus et vivants d’une génération en plein questionnement face à une réalité toujours plus rude.

Poignants sur un titre comme « Salope ! », les toulousains nous proposent un rap littéraire et diablement efficace. Au travers d’un titre rude et sobre au piano voix triste et réaliste, Bigflo & Oli nous impressionnent de leur maturité. Rappant des  textes vibrants et puissants qui ne laissent aucune place au rêve, les toulousains nous inondent pourtant d’une poésie qui s’infiltre partout, pleurante et dressée dont on ne lasse pas. On pense de suite à Pierre Lapointe, à ces auteurs capable de rendre lumineux les entrailles humaines.

Les mots claquent et nous mettent à terre, les émotions nous serrent la gorge, on se retrouve tout con plein d’émotion que ces deux gamins qui n’ont pas 25 ans nous envoient en plein tronche. Puissante et lourde, la poésie qui s’en dégage nous laisse pantois, à l’image de ce dernier titre « Je suis » qui, au travers d’une progression tourbillonnante, nous claque en pleine tête une vérité, une morale, une évidence qui apparait plus vivante que jamais.

Il y a une question de famille, du genre très importante chez Bigflo et Oli. On y retrouve cet esprit de clan superbement mis en valeur au travers de différents titres. Que cela soit le père dans un « Papa » à l’interprétation vibrante et frissonnante ou « Olivio » en forme d’autobiographie, la famille est sacrée chez ces rappeurs qui n’ont pas peur de se mettre en difficulté et proposer le visage d’un rap brillant.

Bigflo & Oli prennent leur rôle à bras le corps et construisent un rap intelligent sans fausse pudeur se projetant pleinement en modèle pour un auditoire souvent très sensible aux position de ces artistes. Textes ciselés, flow puissants et rimes cassantes, Bigflo et Oli se posent en défenseur des faibles et opprimés de ceux que le rap oublie où qu’il marginalise sans jamais tomber dans une approche mièvre et dégoulinante d’espoir. Les francais réussissent avec brio à proposer une approche équilibrée d’un rap cognant qui nous met rapidement KO et nous émeut de sa sincérité.

Arnaud Le Tillau
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