Antoine Sahler – « Antoine Sahler »
Découvert sur le tard par Juliette, Antoine Salher fut pendant longtemps connu comme le comparse de François Morel. Ayant débuté par le jazz (2 albums à son compteur sur le très bon label Harmonia Mundi), il se tourne progressivement vers la chanson française de grande qualité. Arpentant avec flegme une chanson aux textes ciselés, il nous entraine sur ce nouvel album dans son univers aux rondeurs faussement candides qui n’ont de cesse de nous bouleverser au travers de 20 titres empilant les clin d’œil absurde et les chansons doucement grave qu’il nous chante avec délicatesse.
Touchant et fragile dans un premier titre en forme de porte ouverte sur un univers atypique, le français nous propose un « J’en ai plein » au swing souchonien. Avec un sens de la mélodie et une approche entre humour sage et candeur subtile, le français nous emporte dès les première notes de ce premier titre dans une composition faisant la part belle à une chanson française de qualité. Dans une instrumentation ronde, aux basses veloutées et aux claviers doux, Antoine Salher nous enveloppe de sa pop légère et diablement mélodique.
Malicieux et talentueux dans sa construction de l’album, le français se plait à mêler théâtralité absurde et gravité chantée pour un tout qui nous bouscule. Avec un sens mélodique qui en ferait pâlir plus d’un, Antoine Salher dessine des tubes à la chaîne à l’image de « Merci Merci » à l’instrumentation simple mais diablement entêtante. Loin d’une expérimentation ou d’une pop à la marge, le français dessine un univers simple et pragmatique dans lequel la beauté est conviée sous la forme de mélodies raffinées qui fonctionnent à merveille. Derrière ce rideau de fumée, se cache un songwriter raffiné qui n’a de cesse de dénoncer notre société par le biais de titres aux messages cachés.
Il y a chez le français un sens du texte qui ne se dément pas au fil des titres. Jouant avec la langue française, il multiplie les bonnes idées dans une musique à la pop lumineuse et bienveillante qui nous caresse de ses bonnes ondes. Ayant tout au long de sa carrière multiplié les expériences jazz et pop toujours empreintes d’une chanson française, Antoine Salher nous entraîne avec douceur dans une musique où l’amour est à fleur de peau et où les messages n’en finissent pas de nous toucher de leur fausse candeur, de leur douce mélopées à l’image de « Danser sous les orages » ou « Ton prétendant » .
Avec un sens de la mise en scène et une nuance qui le caractérise Antoine Salher nous fait rire jaune sur « Sénescence » en forme de peur de la vieillesse. Il y a dans la vision du français une véritable puissance narrative qu’il utilise avec parcimonie mais efficacité et qui donne à ces titres une force folle. S’attachant à trouver l’espoir et la délicatesse en toute situation, le français ne cesse de faire entrer l’humour candide dans des sujets graves ou dramatiques. On est vite emporté par cette justesse qui sur « Semaine B » mélange bon mots « C’est étrange d’être père les semaines impaires » et frappes chirurgicales « L’avenir tu verras les semaines A, Ressasser le passé les semaines B » dans un tout à la pop légère.
Dans une pop rappelant au choix Albin de la Simone , Séverin ou Mathieu Boogaerts , Antoine Salher s’inscrit avec emphase dans ce courant artistique d’une nouvelle scène Française qui n’a de nouveau que le nom. Loin de tomber dans un jeunisme très à la mode, on est vite sous le charme de cet artiste qui semble « voulzysouchonner » avec une grace inouï. Le français dessine une pop grandiose et intimiste qui se plait à nous tourner autour avec simplicité. Multipliant les regards tendre mais néanmoins fort, il nous fait part de ses doutes, de son besoin vital de poésie et réussit à synthétiser avec douceur une vision de l’amour qui dure sans jamais tomber dans le pathétique. Cuivres doux, Rhodes claquants, la musique d’Antoine Salher nous émeut.
Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com
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