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Date d'ajout : 10-03-13

David Bowie – « The Next Day »

Chronique David Bowie - Quai Baco
Un nouvel album de David Bowie est forcément un événement. « The Next Day » est d’autant plus surprenant qu’il y a quelques semaines encore, personne ne s’attendait à un nouvel album du Thin White Duke que l’on disait malade et loin de la musique. Erreur, Bowie est bien de retour avec un album rock assez honorable, mais loin d’être ce qu’il a pu faire de mieux.

« The Next Day » ouvre l’album et commence alors le jeu du « ça me rappelle… ». En effet, Bowie multiplie, volontairement ou non, les références aux différentes périodes de sa carrière. Ce premier titre nous renvoie donc à « Repetition » sur « Lodger ». Ca commence plutôt bien et les guitares électriques sont de sorties : les heureux premiers auditeurs de l’album n’avaient donc pas menti, « The Next Day » s’annonce rock.

Pourtant on déchante un peu au fur et à mesure que l’écoute avance : certes les guitares sont bien présentes, mais malgré l’utilisation de grosses distorsions, elle paraissent souvent reléguées au second plan ou bien noyées dans des reverbs de cathédrale. « The stars (are out tonight) » souffre de ce lissage de studio avec des guitares acoustiques clinquantes et des électriques décidément bien sages. Sterling Campbell tape pourtant (trop) dur sur ses fûts mais pour un résultat sans grand relief et trop FM. Même remarque pour « I’d rather be high » à la mélodie vocale très bonne, mais engoncée entre une batterie trop présente et un riff minimaliste et quelque peu vieillot. Vraiment dommage. « (You will) set the world on fire » nous fait aussi le coup du rock avec son gros riff, mais tout ça est rapidement lissé par les choeurs féminins de Gail Ann Dorsey et des pistes de guitares pseudo-rock-gentil à foison.

David Bowie "The Next Day" - Quai BacoPourtant, niveau composition pure et dure, Bowie sait toujours y faire. Il nous le prouve avec des mélodies vraiment bien ficelées comme « How does the grass grow » ou le très 70’s « Valentine’s day », et bien sûr le mélancolique single « Where are we now? » qui nous rappelle un autre David, Gilmour cette fois, et son album « On an Island ». Evidemment, rien de très nouveau dans la manière d’écrire : on retrouve des mélodies chantées en rupture dans la plus pure tradition bowiesque, donnant cette tension et ce lyrisme inimitable comme sur « Love is lost ». Vers les 2/3 de la chanson arrive quasiment systématiquement le décrochage rythmique habituel, avec la belle mélodie qui va avec. On n’est pas surpris outre mesure mais ça marche bien.

« Boss of me » passe ainsi de la catégorie «assez quelconque» à « bon morceau» grâce à son excellent pont. Le principe est répété sur « If you can see me », morceau gâché par une pléthore d’effets synthétiques, mais tout juste sauvé par une très bonne mélodie de mi-parcours. C’est d’ailleurs très souvent à ce niveau que le bas blesse. Les bonnes mélodies et idées intéressantes ne manquent pas dans « The Next Day », mais sont trop souvent diluées dans une production chargée, bourrée d’effets en tout genre et dispensables.

On a longtemps connu David Bowie et Tony Visconti comme des précurseurs en terme de production. Les années 2000 les ont vu marquer le pas comme l’a prouvé « Reality ». Avec ce nouvel album, la grosse machine est restée bloquée. A moins d’aimer les grosses productions commerciales des années 2000 façon Coldplay ou Muse, l’époque n’est plus aux années passées dans un immense studio à New York pour pondre 14 titres. Démultiplier les pistes de guitares ne signifie plus « faire du rock », gonfler les pistes vocales de longues reverbs est passé de mode.

Ce Next Day est tellement millimétré en studio qu’il en perd toute spontanéité rock n’roll, et retombe comme un soufflé trop longtemps resté au four. C’est d’autant plus dommage que la voix de Bowie, bien qu’un peu fatiguée, est bien là (sous des couches d’effets). On le sent ému d’être avec nous, et c’est sur « Where are we now? » et « You fell so lonely you could die » et son clin d’oeil de batterie à « Five years » qu’il est sans doute le plus touchant.

Finalement l’élément le plus étonnant et le plus marquant de cet album, c’est tout simplement le fait qu’il existe. Passer cette incroyable surprise, on reste un peu sur notre faim, tirailler entre l’envie de dire que tout est génial, parce que c’est Bowie, et une exigence à son plus haut niveau. Parce que c’est Bowie.

On alterne donc des titres plutôt réussis (« Boss of me », « How does the grass grow », « Where are we now? ») avec d’autres carrément anecdotiques (« If you can see me », « The stars (are out tonight) », voir ratés (« Dancing out in space »). « The Next Day » est un album aux compositions agréables bien que sans grande surprise, mais plombées inutilement par une réalisation passée et trop chargée qui fait que rien ne ressort réellement du lot. Beaucoup de bruits pour un résultat agréable, mais un peu tiède en somme.

Marty Tobin
marty.tobin@quai-baco.com


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