/// CHRONIQUES
Date d'ajout : 07-11-20

Odessey and Oracle – « Crocorama »

Originaires de Lyon, Odessey and Oracle dénote dans le paysage de la variété française. Pour preuve ce nouvel opus construit dans une matière sonore 60’s voire 70’s à l’optimisme surjoué, en contrepoint de textes sans illusion sur une société malade et allant dans le mur. Cette pop au psychédélisme colorée version 400 ASA, nous entraîne dans l’univers faussement innocent d’un groupe atypique et bousculant les codes.

Odessey and Oracle - "Crocorama" : La chronique

Il y a de la folie dès le premier titre de cet album. « Chercher Maman » raconte avec un naturel déconcertant les violences conjugales.  Titre baroque par excellence, cette première composition donne de suite le la de cet album hors norme. Dans une musique qui se veut colorée des codes d’une pop vintage, Odessey and Oracle se plait à multiplier les bonnes idées dans une musique allant toujours plus loin dans une variété à l’expérimentation jouissive. On est de suite emballé par ces textes rudes aux fond grave porté par une fausse innocence rappelant beaucoup les scopitones de l’époque. Avec extravagance, les français se taillent la part du lion dans une variété colorée et atypique.

A l’image de cette pochette issue du cerveau de Fanny L’héritier (chanteuse lead) au collage entre art kitsch et dénonciation pertinente d’une société allant à vau l’eau, la musique des lyonnais nous questionne sur la définition même du beau ou du bancable. Travaillant à faire bouger les lignes dans un concert de bonnes idées, Odessey and Oracle utilise un spectre large de synthétiseurs pour mieux engluer leur variété dans une « pop expérimentale », selon leur propre mot, qui ringardise haut la main toute la pop au kitsch mièvre que nombre de groupe tentent de rendre à la mode. Il y a chez les français cette volonté de faire bouger les lignes d’une chanson française se regardant un peu trop le nombril. Creusant une approche des plus complexes, les jeunes lyonnais ne choisissent pas la facilité et transforment un concept en un album profond aux couleurs criardes. On est embarqué sans ménagement dans cette musique jouant avec les codes du bon goût pour mieux le questionner dans un tout au vintage surexposé.

Dénonçant avec rudesse les travers les moins glorieux de notre société, les français n’ont pas leur pareil pour mettre en lumière une vision réaliste de notre époque. Abordant les violences policières sur « Les poupées mécaniques », le capitalisme sauvage sur « Crocorama » ou la pollution sur « Le manège », le groupe ne s’embarrasse pas d’euphémisme mais préfère enrober ses critiques de musique à l’optimisme éthérée issue des 30 glorieuses à une époque où le progrès était encore synonyme de bonheur. Travaillant une prestation sur le fil, la voix de Fanny L’Héritier joue les funambules sur un ensemble de compositions au beau bizarre qui n’en finissent pas de jouer aux montagnes russes sans jamais tomber dans le ravin de la fausse note « Je suis l’endormie ». Loin des codes classiques de la pop standardisée, Odessey & Oracle nous compresse le ciboulot avec leur univers bien à eux sans jamais tomber dans la facilité ou le baroque commercial. 

Titre éponyme de cet album, ce « Crocorama » résume assez bien l’approche unique des français qui aiment mélanger variété revendicatrice et expérimentation pop. Puissants dans leur approche, les lyonnais réussissent sur cet album à rapprocher chanson populaire et musique élitiste dans un tout brillant. De la même façon « Mascara » nous plonge dans les films des années 60. Ils touchent du doigt une perfection rythmique et mélodique qui voit se multiplier dans une pop sautillante guitare et flute traversière sans que cela soit le moins du monde incongru. On est complètement immergé par cette musique graphique capable d’enchainer les refrains rapides et les couplets presque à l’arrêt. On se laisse porter par l’imaginaire des lyonnais qui questionne singulièrement notre façon de vivre, notre façon d’écouter et notre façon de consommer une musique devenue au fil des années jetable et sans profondeur. 

Dans un mélange pop et psychédélique sorte de variété foutraque semblant sortir d’un cerveau carburant au LSD, Odessey and Oracle tape du poing sur la table pour mieux nous mettre face à nos responsabilités. Utilisant la musique pop des trente glorieuses pour mieux faire passer leur revendication, ils renversent les bonnes manières pop dans un ensemble de code graphiques et sonore longtemps oubliés. Les français font revivre une sorte d’expérimentation pop dans une chanson française en vase clôt qui en a bien besoin. Cet album est une bombe sonore et textuelle qui fera date !

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com


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