/// CHRONIQUES
Date d'ajout : 21-05-21

Lulu Van Trapp – « I’m Not Here To Save The World »

Démarré en 2017 autour de 2 anciens membres du groupe punk inclassable La Mouche, Lulu Van Trapp nous proposent leur premier album intitulé « I’m not here to save the world ». Complètement loufoques aussi bien dans leurs images que dans leur musiques, les français produisent un premier opus impressionnant de maîtrise. Dessinant un rock protéiforme proche du cabaret aux influences multiples. Ils prouvent une fois de plus que l’ouverture d’esprit est un véritable trésor sur lequel il est possible de construire de magnifiques objets rock.

Ouvrant le bal (de l’amour) au travers d’un premier rock loufoque et diablement addictif, les français déploient leur univers aux senteurs rococo. Conteur né, Lulu Van Trapp dessine avec précision une sorte de big bazar de la chanson. On se laisse prendre au jeu de ce rock aux sonorités foutraques et paradoxalement superbement construites.  On retrouve dans ce « Brazil » toute la folie et la puissance vocale d’un groupe à l’univers loin d’un esthétique lisse. Car le quatuor n’a pas son pareil pour nous inonder d’une pop fleurie aux envolées puissantes. Ici il n’est pas question de faire dans l’approche stylisée, non la musique des français touche du doigt un melting pot contagieux qui les voit mélanger approche populaire et pop travaillée. 

Il serait réducteur de les comparer aux Rita Mitsouko même si la voix de Rebecca rappelle évidemment celle de Catherine Ringer. Pourtant c’est bien dans cette veine d’une chanson rock inclassable que les français s’engagent. On y retrouve cette joie de mélanger les styles dans une sorte de mauvais goût stylisé rappelant beaucoup le rock underground des années 80. C’est ainsi que sur « Joan Of Arc », Lulu Van Trapp abuse de la couleur dans un titre mélangeant rythmique digne des Ludwig Von 88 au reggae Bontempi et pop au souffle fou. On se laisse prendre au jeu de cette musique qui dans des moments de pleine vie nous emporte dans une sorte de grandiloquence survitaminée qui fait un bien fou. En anglais dans le texte, les français esquissent une musique loin des modes et des diktats commerciaux. Complètement à l’aise avec cette pop qu’ils crééent dans un mélange de pop actuelle et de musique mondialisé, les français apparaissent complètement en phase avec leur époque. 

De sa voix polymorphe, la chanteuse Rebecca est capable de tout réaliser et nous embarque avec joie dans un univers complexe que l’on se surprend à trouver élégant « The Echo », « Valley Of Love ». En effet, multipliant les audaces sonores, ils nous surprennent et nous font aimer un mélange que l’on pourrait croire contre nature. Cultivant une approche cosmopolite d’une pop au rock chevillé au corps, Lulu Van Trapp multiplie les incursions dans différents styles en réussissant à chaque fois à nous embarquer. Sur un background complexe et soigné, le quatuor esquisse une oeuvre protéiforme qui ne satisfait pas d’un style mais préfère les mélanger pour mieux les digérer. Décalé, maniant à la perfection une sorte d’autodérision musicale « Les mots d’amour », Lulu Van Trapp nous cueille dès les premiers accords dans une musique stéréotype des années 80. 

Que ce soit l’électro, le rock, le reggae ou la pop, tout les styles semblent s’entrechoquer dans cet accélérateur de particule qu’est ce premier album de Lulu Van Trapp. Il y a dans la musique des français une capacité folle à synthétiser, un ensemble d’influences toutes plus diverses les unes que les autres. Le résultat est un groupe ne rentrant dans aucune case et proposant sa propre approche d’une pop enlevée et dynamique. On aime de suite cette façon de se cacher dans un univers fait de bric et broc. La musique de Lulu Van Trapp ressemble à ces architectures complexe et bluffantes dont on ne sait comment elles tiennent. Capable de multiplier les parties et d’enchaîner les styles sans jamais perdre en cohérence, le quatuor nous impressionne de sa maîtrise et de son approche en apparence foutraque qui les distingue d’une grande partie de la scène pop. Dans des titres à rallonge, les français ne se privent pas de multiplier les expérimentations. D’audace en audace, d’explosion de couleur en explosion de voix, Lulu Van Trapp nous fait remuer les tripes.

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com


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