/// CHRONIQUES
Date d'ajout : 24-03-14

Les Ogres de Barback – « Vous m’emmerdez! »

Artistes du renouveau de la chanson française, Les Ogres de Barback fêtent cette année leurs 20 ans de carrière. Famille atypique, les 4 frères et sœurs de cette tribu promènent depuis le début des années 90 leur musique chaleureuse et familiale à contre-courant d’une mode qui n’a jamais daigné les regarder. Qu’importe, pour ce nouvel album, les Ogres reviennent en force avec un « Vous m’emmerdez! » au doux parfum de revendication et de poésie.

Adeptes d’une contre culture favorisant l’individu plutôt que la réussite, le groupe reste fidèle à cette vision d’un monde parfois un peu naïf mais toujours extrêmement attachant. Démarrant sur « Carlos Mervil », on retrouve avec délice cette musique mêlant chanson française et bric à brac d’arrangements issus de différents styles. Chose rare, les français font ici intervenir des cordes sans pour autant se départir de leur style si caractéristique.

Marquant leur admiration pour la droiture et l’humanisme c’est naturellement que l’on retrouve sur « Pages de ma vie », au travers d’un texte superbe, un hommage à Allain Leprest, ou à Renaud sur « Ma guinguette préférée ». Dans une diction toujours aussi revendicative, on est emporté par cette chaleur que dégage chacune des compositions.

À l’image des Têtes Raides, présent au travers du très beau titre « Crache« , les Ogres tracent leur route dans un marché musical faisant le dos rond aux grosses productions. Le mélange de la poésie des 4 frères et sœurs et des bordelais nous emportent dans un rock foutraque et chaleureux. Travaillant sur le principe de l’accumulation, ils réussissent un titre profond, lourd sans être pompeux, qui nous touche de suite.

Cultivant cet amour de la chanson protestataire, Fred et ses camarades multiplient les références à Brassens. Que cela soit sur le titre éponyme « Vous m’emmerdez! », beau pied de nez aux agitateurs de droite ou sur le très léger « condkoi », les Ogres transforment leur colère et coup de gueule en chant qu’ils distillent tout au long de l’album. Parfois taxés d’utopistes à juste titre sur un titre comme « Dos miné », proposant une vision humaniste d’une société minée par les hiérarchies, les Ogres de Barback sont aussi capables de proposer de magnifiques chansons réalistes.

C’est notamment le cas de « Murabeho Imana ». Africanisant au niveau des arrangements, magnifique de spontanéité, le titre nous arrive en pleine tête sans crier gare. Abordant de façon très poignante les conflits africains, Mathilde nous offre une chanson réaliste magnifiquement interprétée, lumineuse musicalement et sombre textuellement. Les Ogres touchent au cœur dans une approche méditative et envoûtante.

Entre rires et larmes, ce nouvel album des Ogres de Barback nous convie dans leur univers attachant sans pour autant tout révolutionner. À une époque où les sophistications et les musiques électroniques semblent au centre de productions quelque peu aseptisées, les Ogres prouvent qu’il est encore possible d’émouvoir dans une approche humaine et simple. Indépendant et libre à bien des niveaux, ils redonnent à la chanson protestataire ses lettres de noblesses. À l’image de la bande son tapissant tout l’album, le groupe promène sa musique familiale mais engagée qui se verra adjoint de l’énergie de la fanfare Béninoise Eyo’nlé qui suivra leur route durant toute la durée de la tournée.

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com


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