Dire que le nouvel album de The Black Keys était attendu relève de l’euphémisme tant « El Camino », leur précédent opus, avait affolé les compteurs grâce à un retour extrêmement vintage dans un rock lourd et gras mis en lumière par le génie de Danger Mouse. Pourtant forte a été la déception de nombreux fans à l’écoute du premier extrait « Fever ». Plus groovy, beaucoup plus travaillé en terme d’ambiance, The Black Keys se révélaient différents et un peu aseptisés. Pourtant l’écoute de « Turn Blue » permet de comprendre ce parti pris qui finit par devenir secondaire tant le duo réussit sa métamorphose.

Acheter l’album sur Amazon
Télécharger l’album sur iTunes

On ressent dès « Weight Of Love » au travers de guitares léchées et de planants très présents un véritable changement de direction de la part de Dan Auerbach et du batteur Patrick Carney. On avait laissé The Black Keys dans un rock ultra produit aux rythmes lourds et entraînants, voici qu’ils nous reviennent dans une veine beaucoup plus groovy. Proche d’un psychédélisme très 70’s rappelant parfois certaines fulgurances des Pink Floyd, ils ouvrent ce nouvel album avec un titre pratiquement instrumental feutré et apaisé loin de l’image rock plein de sueur de « El Camino ».

Dépouillée et beaucoup plus calculée, les détracteurs ou les déçus diront que la musique du duo semble devenir plus intellectuelle au travers de sonorités plus aseptisées, moins brutales. Pourtant loin de perdre en énergie , les américains rivalisent d’ingéniosité. Swing impressionnant sur « Time », rock lent et hypnotique sur « In Our Prime » ou jouissivement mainstream sur « Gotta Get Away », les américains, pointilleux parfois à l’extrême, réussissent à allier technique, constructions et mélodie dans un tout délier qui s’écoute avec un bonheur indéfinissable.

Se confrontant sur « Year in review » à un électro-rock, collage réussit de samples agrémentés d’instruments joués en live, le duo prouve une fois de plus son adaptabilité. Possédant une signature unique mêlant sonorités, mélodies et rythmique, ils font une entrée fracassante dans cette pop souvent un brin aseptisée que proposent certaines stars planétaires et cassent, avec l’aide de Danger Mouse aux manettes, tout les codes pour mieux se les approprier.

Bien sûr cette prise de risque apporte son lot de défaillance. Ainsi « Bullet in the brain » au psychédélisme électro rock pousse les américains dans un style des plus complexe qui colle peu avec leur univers. Un peu étriqué au vu de la liberté nécessaire au groupe pour s’exprimer, les américains nous livre un titre à la banalité accablante. Heureusement, ce n’est qu’une passade et l’énergie revient d’elle même sur le très rock « It´s Up to you Know » ou solo au long court et mélodie entraînante nous permettent de retrouver la patte du duo.

Qu’on se le dise, The Black Keys sont de retour et ça déménage. Album au son beaucoup plus lissé que le précédent, « Turn Blue » prouve la capacité impressionnante des américains à rebondir. Loin de se reposer sur leur lauriers, ils proposent une nouvelle vision d’un rock qu’ils ne cessent de revisiter l’agrémentant de trouvailles à chaque fois payantes. La marque des grands!

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com