/// CHRONIQUES
Date d'ajout : 26-11-13

Bernard Lavilliers – « Baron Samedi »

Pilier d’une scène variété vieillissante, Bernard Lavilliers sort cette semaine son 20ème album. Pour l’occasion, le stéphanois à renouveler entièrement son équipe afin de pouvoir sortir d’un son très musique latine qui lui collait à la peau. Au final, « Baron Samedi » nous propose une vision noire et quelque peu fataliste d’un homme semblant de plus en plus usé.

Démarrant sur « Scorpion », mélange intelligent de variété française et d’arrangements fouillés, le français nous délivre un premier morceau en forme de single le posant en senior d’une pop sans âge. Mais déjà l’énergie du titre semble progressivement remplacée par cette voix de plus en plus posée et grave.

Complètement à part dans la variété française, rockeur à sa manière mélangeant musique du monde et variété, interpellant, écorché, il semble pourtant depuis quelques albums travailler son côté artistique plus que son côté revendicateur et empêcheur de tourner en rond. Et l’on constate clairement au travers de titres comme « Vivre encore » qu’il glisse progressivement vers un style assez commun, chargé et lourd.

Bien sur il y’a toujours ces textes épinglant l’injustice et prônant un combat de tous les jours, (justifiant même ce trop long poème de Blaise Cendrars mis en musique durant 27 longues minutes). Mais le temps semble avoir joué en défaveur du français qui finit par s’user de tant de combats.

Épaulé de Romain Humeau du groupe Eiffel, Bernard Lavilliers nous propose un album aux violons omniprésents soutenant des parties musicales certes fouillées mais un peu lourdes et guindées qui dans sa bouche sonnent bizarrement faux. À l’image de ce « Jack » pâle copie d’un univers Gainsbourien ou « Y’a pas qu’à New-York » dans lequel sa voix s’eddymitchellise et semble se perdre dans un arrangement orchestral digne du générique du Téléthon.

Malgré quelques bons morceaux, tels ce « Baron Samedi » titre éponyme et véritable noyau de l’album inspiré du tremblement de terre à Haïti, ou « Villa Noaille », morceau nu et simple où les violons n’écrasent en rien le texte ciselé, Bernard Lavilliers en voulant faire différent, nous délivre un album variétoche rappelant parfois Sardou ou Eddy Mitchell dans cette façon très orchestrale d’aborder la musique.

Accablé, sans espoir, l’album transpire une sorte de résignation que l’on ne lui connaissait pas. Marqué, fatigué, le chanteur clame son « Vague à l’âme » sorte de pessimisme et de désespoir dans un monde qu’il semble ne plus reconnaître. En vieillissant Bernard Lavilliers semble se couler dans un écrin plus confortable nous proposant un « Baron Samedi » du grand écart partagé entre musique à la variété formatée et essais poétiques déprimants et usants…

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com

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