/// CHRONIQUES
Date d'ajout : 10-09-22

Anna Erhard – « Campsite » : La Chronique

Anna Erhard était déjà connue pour ses albums soignés dans une folk pop qui ne laissait pas indifférentes. Après 4 albums plutôt réussit, la jeune suissesse nous revient dans un nouvel album intitulé « Campsite ». Enregistré à Berlin, sa ville d’adoption, ce nouvel opus vient confirmer tout le bien que nous pensons d’elle. Inversant cette fois ci son processus de création, c’est à partir d’éléments préenregistrés et mis bout à bout que les différentes compositions ont pu voir le jour. Le résultat est une remise en question de l’univers de la jeune suissesse qui nous bluffe d’une liste de morceaux singuliers naviguant entre électro, folk et rock. 

Le premier titre est un choc lorsque l’on connait Anna Erhard. Bien que l’artiste ait cette capacité à creuser et innover sans cesse, ce « Horoscope » pose les base d’une sorte de nouveau style. Dans une pop syncopé au rythme changeant, Anna Erhard se faufile entre les beats pour mieux divulguer une pop changeante. Sur un background brut et puissant aux tempos indépendants, elle pose de suite le décor de sa nouvelle approche musicale. On retrouve dans ce titre un mélange excitant entre expérimentation pop, électro et folk. Le tout nous happe de son rendu tranché. « Campsite », titre éponyme de ce nouvel album , poursuit cet imbroglio sonore. Dans une sorte de théorie du chaos mis en bouteille, Anna Erhad nous impose sa puissance sans fin dans une musique en forme de mille feuille  incorporant aussi bien de l’illustration sonore que de la pop léchée. Le résultat est une explosion de senteurs enfermé dans un bouquet brut et violent que l’on se prend en pleine face.

Avec une délicatesse qui n’appartient qu’à elle , la jeune suissesse distille dans cette explosion musicale ce qu’il faut d’une mélodie qui nous reste en tête. On se laisse emporter par cette musique complexe d’abord mais qui progressivement apparait addictive. Tout le low fi qui enveloppe les compositions de Anna Erhard donne une impression très allemande, une sorte de dureté créatrice vague héritage d’un Krautrock fondateur. A l’image des sonorités 8 bit de « Guestroom », elle utilise avec intelligence une électro brutale pour mieux faire ressortir son folk à la douceur éthérée. De la même façon sur « 90° » dans une sobriété toute allemande, elle dessine les liés et déliés d’une folk qui se veut toujours plus expérimentale.

Très à l’aise avec cette électro low fi, Anna Erhard n’en demeure pas moins une chanteuse pop folk que l’on retrouve avec bonheur dans plusieurs titres à tomber à commencer par « Three Tons Of Steel ». Ce titre est une pure pépite. Rappelant clairement Courtney Barnett dans un folk monocorde empreint d’une poésie folle, elle signe un titre culte . Dans un folk entrainant et mélancolique, elle transforme l’essai grâce à un mélange superbement dosé d’électronique, de folk et de pop low fi. Cultivant une progression lente et puissante, Anna Erhard nous emporte avec soin dans une musique tendre et saturée qui nous met les poils dès le premier accord. 

Mais c’est définitivement « Picnic at the Seaside » qui apparait comme le climax de cet album. Sur une rythmique qui nous met de suite en joie, Anna Erhard nous entraine dans un univers contrasté. On retrouve sur ce titre cette folie et cette intelligence de la composition qui fait d’un morceau un hit. Dans un mélange superbement équilibré entre folk et rock, la jeune suissesse innove et salit une folk pour un rendu qui nous émeut de sa profondeur. On est électrisé par cette musique aux saturation bienveillante. Sorte de Eels au féminin , Anna Erhard construit sur cet album son univers propre et trouve avec ce cinquième album une véritable couleur à sa musique. 

A l’image de cette pochette en noir et blanc signée Lina Ehrentraut, Anna Erhard ne prend pas de gants pour nous imposer une musique osseuse et mélancolique surgie de nulle part. Il y a dans la musique de Anna Erhard un socle extrêmement solide d’une folk proche de la country. Modelant à sa guise ce socle elle produit dans chacune de ses compositions une musique égratignée et douce, cultivée et populaire, puissante et fondamentalement fragile. Innovant sans cesse, Anna Erhad nous propose un album puisant aussi bien dans ses racines culturelles que dans ses styles de prédilection. Réussissant à donner une sorte d’intimité à chaque titre, elle se dévoile dans un album aux contrastes furieux et sensibles. 

Nos coups de ❤ : PANIC AT THE SEASIDE, THREE TONS STEEL

Note : 8.5/10

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com


Copyright : Quai Baco Stimuli - Mentions légales - S'abonner - Contact Pro - contact@quai-baco.com - Quai Baco Production