/// CHRONIQUES
Date d'ajout : 19-04-17

Slow Joe – « Let Me Be Gone »

Découvert en 2007 à l’occasion d’un voyage en Inde par Cédric de La Chapelle, Slow Joe fut de ces artistes célestes qui impriment en peu de temps leur marque dans une pop unique. Décédé en 2016 lors des sessions de mixage, ce dernier album « Let Me Be Gone » restera comme son album le plus aboutit qui le verra quitter la terre ferme pour passer dans une légende plus que méritée.

C’est un chant d’amour impossible chanté en Konkani, dialecte de Goa, que s’ouvre ce magnifique album. Sorte d’hommage de Slow Joe à ses origines, « Tambde Roza » apparaît comme la fin d’une boucle, une sorte de retour aux origines excessivement touchante. Puis c’est la pop qui entre de suite en scène au travers du rock psychédélique « Swing Your Love ». Cette première réelle composition prend des airs d’hymne, de chant de transe baigné dans un univers où les 70´s dominent largement. Le rock psyché de Cédric de La Chapelle taille à Slow Joe l’habit d’un artiste à l’irréalité forte.

S’amusant dans un rock lent des années 40, sur « Temple, Mosque, Church » les français nous font dériver dans une musique simple et sans artifice seulement illuminée par la voix granuleuse de Slow Joe. Sans l’ombre d’une fantaisie pour cette fois ci, l’indien tient la dragée haute et puise dans sa voix unique pour nous envoûter. On est comme happé par cette présence sonore qu’il réussit à instaurer avec un calme qui force le respect. Il y a chez Slow Joe une véritable volonté de proposer un ailleurs une musique hésitant entre rock, pop et folklore indien sans jamais tomber dans une approche commerciale. Slow Joe apparaît fort et indéboulonnable sur ce socle rock qu’il envenimé de sa voix inoubliable patiné d’une expérience rare.

Capable de titres plus légers à l’image de « My Sway », Slow Joe sait aussi être bondissant sur une pop assumée et diablement entraînante qu’il réussit de sa voix à rendre grandiloquente voire puissante. Cet album dégage une véritable humanité. Slow Joe reste en avant mais est soutenu par une bande son rare que les français de Ginger Accident ont su pimenter de leur talent hors norme.

Parfois Slow Joe nous emporte très loin comme sur l’impressionnant « Candy Sparkles ». A cheval entre la culture indienne et européenne il dessine les contours d’une pop nouvelle où l’humain est omniprésent. Puissamment ancré dans son univers à nul autre pareil, Slow Joe se plait à fondre sa pop dans une transe communautaire au rendu exceptionnel. On se laisse lentement dériver pris par ce flow vocal et musical qui ne cesse de se réinventer. Climax de cet album, « Black Moon » nous en met plein la vue. Sur un background au groove acéré, Slow Joe dessine une composition dont il a seul le secret.

Décédé en octobre 2016, Slow Joe n’aura pas eu l’occasion de l’écouter terminé. Album d’une évidence folle plein de contrastes, il nous emporte sur les chemins multiples d’un artiste unique. Puisant dans ses différentes facettes, Slow Joe nous livre son meilleur album plein de cette humanité qu’il a longtemps côtoyé. Porté par les instrumentations rock et audacieuse des Ginger Accident, il nous fait frissonner de son charisme musical dans des compositions fraîches et bondissantes. Enveloppant et puissant, intime et grandiloquent, il multiplie les bonnes idées pour un rendu des plus addictif . Mélangeant Bollywood et pop dans un tout extrêmement convaincant il nous impressionne de son aisance à passer d’une culture à l’autre sans jamais tomber dans le stéréotype. Chapeau bas !

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com


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