/// CHRONIQUES
Date d'ajout : 13-11-18

Nawel Ben Kraiem – « Par Mon Nom »


Artiste entière, Nawel Ben Kraiem nous revient dans un nouvel EP célébrant une liberté rare et voluptueuse. Connue pour avoir collaborée aux côtés d’Orange Blossom ou pour ses talents de comédienne dans « Indignados » de Tony Gatlif, la jeune franco-tunisienne nous propose un « Par Mon Nom » a l’époustouflante beauté. Loin de mettre de côté sa culture, elle l’incorporer à une pop brillante de mille feux.

Nawel Ben Kraiem - « Par Mon Nom » : La chroniqueMélangeant une fois de plus les langues (arabe et français) et les cultures dans un florilège de titres aux intonations orientales et aux constructions pop, Nawel Ben Kraiem nous fait frissonner de sa voix au voile éraillée. Dans un premier titre (« Dérangés ») à la structure pop utilisant les rythmes arabes pour mieux nous entraîner dans ce mélange de culture qu’elle sait mieux que quiconque personnifier, la jeune femme nous sert un hymne au mélange et à la mixité qui fait un bien fou en ces temps de repli sur soi. Au travers d’un musique du partage, Nawel Ben Kraiem aborde avec intelligence les problématiques d’intégrations sans stigmatiser. « Dérangés, dérangeant et mélangés nous sommes des enfants secrets », avec ces quelques lignes, la jeune franco-tunisienne synthétise le mal de nos banlieue, de ces jeunes en quête d’identité parfois rejetés de leur pays de naissance et étrangers dans le pays de leurs parents. 

Avec Nawel Ben Kraiem, la pop s’enrichie de nouvelles sonorités. Passée maître dans l’art d’intégrer à sa pop la beauté des arrangements arabe, la jeune tunisienne construit des titres possédant chacun une âme, une profondeur rare que l’on retrouve aussi bien dans les textes que dans une instrumentation travaillée et véritable vision d’une culture. Dénonçant aussi bien l’attitude occidentale face à l’immigration « Dérangés » que les traditions parfois étriquées d’une société en complet décalage avec l’air du temps « Par mon Nom », la jeune tunisienne aborde des sujets délicats avec une générosité rare.

Abordant le thème de l’exil avec pudeur et douceur sur le magnifique « Mer promise », Nawel nous enveloppe de sa pop orientale avec tact et délicatesse. On se laisse porter par cette musique à l’instrumentation simple mais efficace qui nous touche dès les premiers accords. Capable de jouer sur les nuances, les silences et les parties plus calmes, elle ne cesse de nous surprendre de son approche unique. Portée par une émotion qui ne cesse de grandir au fil des titres qu’elle égraine, la musique de Nawel mêle mélancolie et fermeté dans un tout poignant de sincérité. 

Il y a dans la musique de Nawel Ben Kraiem une critique en creux d’une société à bout de souffle où tradition et modernité se mêlent et s’entrechoquent. Avec un sens du rythme et un métissage musical n’appartenant qu’à elle, la jeune tunisienne se drape en porte voix d’une génération émancipée et au féminisme assumé. Puissante dans les maux qu’elle expose, Nawel garde en elle un coté sombre et sérieux sorte de reliquat d’une histoire complexe et tourmentée. Travaillant comme personne une profondeur de composition, elle dit tout haut ce que beaucoup pense tout bas et affronte avec courage les regards et les critiques. On est soufflé par la densité de cette pop qui nous touche au delà du raisonnable. Porté par cette voix au voile triste, Nawel atteint son but avec vigueur et douceur.

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com


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