/// CHRONIQUES
Date d'ajout : 09-09-17

Jata – « Mexico »

Producteur et artiste berlinois de renom, Jacob Vetter s’est lancé depuis quelques années maintenant dans une carrière solo au travers d’une musique au métissage fort. Suite à un EP repéré par la critique, l’allemand nous propose un premier album grandiose et millimétré. Mélangeant soul et sonorités rétro-futuristes, Jata nous embarque dans un voyage où pop rime avec élégance.

Jata - « Mexico » : La chroniqueC’est par des sonorités feutrées, un clavier et une basse aux rondeurs évidentes que Jata ouvre ce premier album d’un « Mephisto » aérien et harmonique. Sous des dehors rappelant beaucoup un R’n’B assez commun, Jata dessine progressivement ce qui s’apparente à une pop feutrée à l’esthétique travaillée. On retrouve dans cette musique un swing fort, presque syncopé qui donne au tout un goût très marqué. Jata utilise la pop standardisée pour mieux emporter son auditoire dans un titre mêlant approche paillette et pop sophistiquée.

La particularité du berlinois est cette façon de mêler deux approches, de multiplier les formes universelles sur un background toujours en mouvement et proche parfois de l’expérimentation pop. Que cela soit sur « Mexico » ou « Saturn »,  au travers de  clavier pointilleux et vibrionnants, Jata donne à voir une approche unique d’une pop en complète transformation. Avec ce premier album, c’est la pop anglaise qui semble se métamorphoser dans un mélange organique d’approche commerciale et d’audace expérimentale.

Plus l’on s’enfonce dans ce premier album, plus les sonorités electro semblent se faire jour emportant tout sur leur passage. Et en même temps, on est vite envahi de cette puissance soul que la structure que Jata met en place nous fait ressentir. Il y a dans l’approche du berlinois ce côté très Jamiroquai capable de maîtriser avec rigueur une construction pop tout en faisant vivre un moment plein d’une soul complexe et libératrice. Jata travaille avec rigueur une musique ciselée aux rythmes syncopés et diablement entraînants. On est étonné de la facilité avec laquelle il nous emporte dans un univers qui ne nous ait pas toujours familier. Jata est un passeur, une sorte d’artiste contemporain capable d’ingurgiter ce que la société fait de mieux pour nous en fournir la substantifique moelle.

Expert en collage sonore, il se plaît à nous surprendre à chaque nouvelle composition en nous proposant une approche toujours minimaliste au départ et s’enrichissant au fur et à mesure. L’illustration sonore chez lui n’est pas un vain mot. S’amusant à parsemer ses compositions de ces petites sonorités, il rend chaque instrumentation unique et ancrée avec force dans une réalité de tout les instants. Tout en gardant cette approche évolutive, Jata nous emmène progressivement et avec intelligence sur le chemin de l’expérimentation sans jamais brusquer son auditoire.

Propulsant avec gravité sa pop au brillant feutré le berlinois maîtrise les codes de la pop avec un sens aiguë de la mise en scène pour nous servir des titres au cordeau possédant une puissance sous jacente folle. Travaillant ses entrées de scène comme ses constructions atypiques avec une rigueur toute anglo-saxonne, Jata puise dans l’illustration sonore pour mieux nous embarquer dans un monde où les sonorités trop lisses cachent en fait une blessure profonde et clinquante. Jata cache dans ses compositions une véritable palette de sentiment qu’il met à profit pour en coloriser chaque recoin.

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com


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