C’est un duo qui fera date. En effet, comptant parmi les plus talentueux folkeux de leur génération, Courtney Barnett à qui on doit le magnifique « Sometimes I Think And Sit, Sometimes I Just Sit » et Kurt Vile, véritable légende de Philadelphie, se retrouve sur un « Lotta Sea Lice » qui pourrait bien devenir culte. Blanc et noir sur l’album, hirsutes tous les deux les artistes se complètent à merveille et pratiquent avec ferveur un folk ténébreux, lent et saisissant.

Les albums de duo sont rarement équilibrés, un talent recouvrant souvent le deuxième. Ici pas de recouvrement, Courtney et Kurt se plaisent à respecter chacun leur talents respectifs. Apparaissant dès le premier titre (magnifique « Over Everything ») comme de véritables collaborateurs, ils construisent à 4 mains et 2 voix une cathédrale folk excessivement addictive dont les 6 minutes apparaissent vite trop courtes. Multipliant les bonnes idées dans un mélange de guitare au arpèges saturé, les 2 compères trouvent naturellement leur place dans une composition à leur mesure. Nous proposant une musique pleine de vie, pleine de ces sonorités aux harmonies multiples qui constituent ce qui se fait de mieux en folk, ils  ouvrent cet album par un titre fort qui pose de suite le décor.

Tout à l’air si simple chez l’américain et l’australienne, aussi bien dans cette façon de poser leur musique, que dans leur approche artistique. Tout les rapproche, Barnett est fan du travail de Kurt et inversement, ils construisent deux univers à la folk éclatante et au melodisme à tomber. Même capillairement ces deux là sont fait pour s’entendre. Il y a une sorte d’évidence qui apparait de suite dans cet album concernant leur collaboration tellement ces 2 artistes poursuivent la même chose.

Mettant en place un folk grunge, ils nous emportent dans une musique à la lenteur sourde et addictive dont les volutes nous éclaboussent de leur brillant. Tels un frère et une sœur, Courtney et Kurt se renvoient la balle avec tendresse dans des titres où chacun trouve vite sa place. Mariant avec tact leur voix, on ressent une véritable alchimie folk qui transcende chaque titre et tire tout l’album vers le haut. Puisant dans leur talent respectif, les titres s’enchaînent comme autant de tubes live qu’ils construisent avec un sens du timing et de la spontanéité rare. Cet album respire la vie, respire les retrouvailles, la joie d’être ensemble et de construire quelque chose.

Et comme si cela ne suffisait pas, Kurt en grand fan du travail de Courtney se laisse à reprendre avec un sens hors de commun, un des tubes de Courtney (« Outta the Woodwork ») . Tellement bon, ce folk nous met les poils avec cette force que sait si bien lui insuffler Kurt Vile. Comment ne pas tomber à la renverse par cette reprise dans les règles de l’art qui envoi du bois. On touche avec cet album peut-être le summum d’un folk grunge excessivement bien tourné. Sans en faire des tonnes Kurt Vile déroule avec simplicité et précision un des plus beau titres de Courtney pour le plaisir de nos oreilles.

La parité est partout dans cet album. Multipliant les titres au folk long et doux, les deux folkeux  nous proposent un album exceptionnel comme on en fait que très peu. Tels des missives, Courtney Barnett et Kurt Vile écrivent à 4 mains une tranche de leur vie avec un plaisir non dissimulé. C’est à une fusion que l’on assiste sur ce très bel album. Fusion des styles, fusion des sonorités et pourtant chaque artiste garde sa patte et son univers. Que dire d’autre sur ces titres qui a chaque fois nous troublent par leur approche sensible et coulante d’un folk sans âge qu’ils inventent avec une facilité déconcertante. Kurt et Courtney personnifient à eux deux un style fleuve dont on tombe complètement amoureux dès les premiers accords.

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com