/// CHRONIQUES
Date d'ajout : 07-11-18

Alexis HK – « Comme un ours »

Après un album consacré à Brassens en 2017, le français nous revient dans un nouvel opus entre clarté et obscurité. Traitant d’une France plongée depuis quelques années dans une spirale de peur et de haine, le français réussit mieux que quiconque à retranscrire sous forme poétique l’atmosphère particulière d’une jeunesse et d’un peuple brusqué et chamboulé. Dessinant une musique aux lentes effluves pop, il nous propose un « Comme un ours » puissant et profond.

Alexis HK - « Comme un ours » : La chroniqueDans un premier titre « Comme un ours », suintant bon la tendresse et la mélancolie, le français porte un œil bienveillant sur un personnage en marge d’une société prônant le tout social. De sa voix unique et de sa diction addictive, Alexis HK décrit avec poésie un personnage bourru et fantasque. Véritable parallèle avec son personnage, le français en véritable ciseleur de mots, dissémine avec parcimonie une présence vaporeuse et diablement précise. Voix trainante et enivrante, il nous enveloppe de cette façon faussement nonchalante qu’il a de chanter.

Noirceur et réalisme sont au programme de ce début d’album. Que cela soit au travers de « Les pieds dans la boue » qui évoque la montée du racisme ou « Je me suis assoupi » dénonçant l’obscurantisme actuel et la violence associée, le français se pose en défenseur d’une certaine liberté et d’une France diversifiée. Au travers d’une fiction extrêmement précise, il dénonce les comportements racistes et xénophobe avec une violence sage et une approche simple mais pertinente. Puissant par ses mots, Alexis HK nous souffle de son réalisme épris de poésie. Là où il s’amusait de ces comportements en les tournant en dérision dans ses précédents albums, il apparaît noir et réaliste sur cet album comme si la menace se faisait plus réelle. Il y a dans l’approche du Français un sens du propos fort qui donne au tout une véritable profondeur. Avec un tact textuel rare, il met en lumière une maladie de plus en plus fréquente qui touche toutes les classes sociales.

Lourds et ponctués de mots puissant, les titres du français nous restent en tête comme autant de piques à une société se perdant dans un capitalisme sauvage qu’il dénonce sur « Sucré » : « Aujourd’hui j’ai le désespoir sucré, du monde qui s’affaisse sur les financier dont les étranges fesses font des sourires carnassiers ». Qui mieux qu’Alexis HK réussit à traduire notre désarroi dans ce désespoir sucré, ce trop de glucose, cet écœurement à tout les étages ? Puissant dans ses mots comme dans sa musique, le français continue à murmurer sa colère dans une instrumentation simple et lente qui ne cesse de nous questionner sur notre place et notre action.

Nous terrorisant sur un « La Chasse » malheureusement pas loin de la vérité, Alexis HK nous emporte dans un cauchemar si réel qu’il en paraît vécu. Poésie violente du quotidien, le titre choisi ses mots avec soin pour nous faire sentir cette folie destructrice, cette haine saoule, cette humanité qui va à vau-l’eau. Il y a dans ces titres toute la violence des discours de l’extrême droite, de ces hommes qui n’apparaissent que sous la forme d’animaux. Les mots ont tous un sens, ainsi « Camarade » n’est pas utilisé par hasard, Alexis HK dénonce, cultive un discours puissant sans jamais se mettre à genou comme sur le doux et triste « Marianne » relatant les évènements du 13 novembre.

Il fallait bien quelques titres plus légers pour dissiper cette peur et cette réalité qui ne cesse de nous oppresser. Ainsi au travers de « Je veux un chien » ou « La fille à Pierrot », le français fait un break dans cette vision lourde d’un pays en plein questionnement et nous emporte dans cette poésie qu’il sait si bien manier. 

Instrumentation au cordeau, rythmique lente au groove imparable, le français cumule les bons points dans un album à la tristesse très présente. Capable de faire résonner une réalité avec une poésie filée, le français continue de nous emporter avec un sens mélodique à tomber dans des titres au fatalisme rutilant. Mieux que des balles, les mots d’Alexis HK racontent notre frustration de voir cette époque sombrer dans la violence et l’obscurantisme. Touchant du doigt cette fragilité qui ne tient plus et ce sentiment de frustration qui ne nous quitte plus, il réussit lentement à nous entraîner dans un mélancolisme profond. Tristement, on ne peut que louer la qualité de la prose du français qui réussit à décrire ces sentiments de fracas et de tumulte auquel cette époque est confrontée. Dessinant une chanson française libérée et libérante, il se dresse en songwriter puissant.

Arnaud Le Tillau
arnaud.letillau@quai-baco.com


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